Si certains musiciens et styles originaires du Machreq et du Maghreb ont suscité l’engouement du public européen, il est indispensable de mettre en avant d’autres musiques, moins souvent explorées mais qui méritent néanmoins autant d’attention de la part des mélomanes où qu’ils soient. La présence de certains groupes ou artistes qui viennent à Paris pour la première fois confirme notre dessein de promouvoir ces expressions artistiques ignorées. Cette saison propose donc des découvertes, comme Rim Banna, Lena Chamamyan, Jameel Sayeh, de nouveaux munshid venant de Damas – Moatassim Billah Asali, Adnan Mouhi Eddine al-Hallaq – ainsi que le grand chanteur stambouliote Dogan Dikmen, comme des artistes aussi reconnus que l’Alépin Omar Sarmini et l’Azéri Alem Qasimov. Elle présente des expressions artistiques pertinentes et admirables, fondées sur l’esthétique musicale, la beauté mélodique et rythmique, la gestuelle ou la spiritualité. Des artistes venus de différentes contrées du monde arabo-islamique interpréteront quelques-unes des plus émouvantes musiques issues de traditions encore vivantes et trouvant leurs sources dans plusieurs régions du monde arabe ou d’ailleurs (Inde, Azerbaïdjan, Iran, Turquie et Espagne, etc.). L’ensemble des concerts jalonnant la saison musicale aborde plusieurs thématiques. La saison débute avec la nouba maghrébine, qui sera présentée dans toutes ses variantes. Appelée al-âla au Maroc, gharnati, sanaâ ou malouf en Algérie, malouf en Tunisie et en Libye, cette musique arabo-andalouse est un genre savant et profane typique du Maghreb et distinct de la musique arabe classique pratiquée au Proche-Orient. La nouba est l’héritière de la musique chrétienne de l’Espagne et du Portugal avant l’arrivée de la culture arabo-islamique, de la musique afro-berbère du Maghreb et de la tradition musicale arabe qui fut transmise, au IXesiècle, de Bagdad (alors capitale des Abbassides) à Cordoue et Grenade, notamment par Ziryab.

Ce brillant musicien a établi les bases de la musique arabo-andalouse, écrit des milliers de chants et institué le cycle des noubas, composées de formes poétiques comme le muwashshah et le zadjal (qui furent l’une des sources des Cantigas de Santa Maria du roi Alphonse X de Castille, du fl amenco et des chants de troubadours). Ensuite, plusieurs soirées seront consacrées au soufi sme, qui a développé tout un ensemble de confi gurations musicales : de la remémoration (dhikr) à la transe (hadra ou wajd), de nombreuses danses et toute une série de formes vocales et mélodiques ont été créées en vue de contribuer à la quête de Dieu. Chaque culture, chaque confrérie ou chaque zaouïa cultive depuis plus de mille ans un riche répertoire de poésie et de musique sacrées. Ce sont quelques-unes de ces formes que l’IMA présentera à son public, notamment avec les munshid de Damas, Davod Azad et la voix raffi née d’Aïcha Redouane. Enfin, la programmation reste ouverte à la création sous toutes ses formes. Improvisation et expérimentations fructueuses restent le leitmotiv de toutes ces compositions poétiques et musicales originales, de ces fusions sagaces entre le fl amenco et les musiques du Maghreb, de ces propos modernes et de ces dialogues instrumentaux entre musiciens de Paris et de Beyrouth qui estampilleront le champ sonore de l’IMA. Il faut aussi noter que la programmation s’étend aux mélopées de la musique du Rajasthan et au rythme grisant de la aïta marocaine.

Les Musicales 2010-2011 invitent trente et un ensembles, dont certains ne sont encore jamais venus en France. Qu’ils présentent un patrimoine musical ou des oeuvres contemporaines, tous ces ensembles affi cheront élégance et virtuosité sur la scène de l’IMA.

Mohamed Métalsi
Directeur des actions culturelles