Le nouveau musée de l'IMA
Grâce à l’exceptionnelle donation de Claude et France Lemand de plus de 1900 œuvres, le musée de l’IMA devient le premier consacré à l’art moderne et contemporain et aux civilisations arabes en Occident. Soutenu par le ministère de la Culture, le projet de rénovation en fera un musée arabe d’exception, pour le 40e anniversaire de l’IMA en 2027. Découvrez en avant-première le nouveau parcours.
Le Nouveau Musée de l’IMA offrira une vitrine unique pour faire connaître et reconnaître la diversité artistique et patrimoniale des pays arabes, depuis les civilisations antiques jusqu’à l’effervescence des scènes contemporaines. Le parcours, grâce à une narration articulée entre passé et présent, inscrira la modernité et l’actualité de la région.
Ce parcours exposera l’art moderne et contemporain du monde arabe selon une perspective historique et contextuelle. Faire dialoguer les arts d’hier et d’aujourd’hui permettra de raconter les continuités et les ruptures d’un monde arabe dans sa diversité et sa complexité.
Exposer les chefs-d’oeuvre des artistes arabes et raconter ces dialogues fructueux sont des gestes forts pour affirmer l’importance universelle des arts visuels arabes : c’est un parcours muséal unique pour faire connaître et reconnaître les arts arabes.
En réunissant dans un même fonds la collection Lemand et la non moins remarquable collection de l’Institut, le musée de l’IMA détient aujourd’hui, dans le monde occidental, la plus importante collection d’art moderne et contemporain du monde arabe. Ce Nouveau Musée reliera l’histoire et le présent selon un parcours et une scénographie ambitieux.
Jack Lang, président de l'Institut du monde arabe
« Le croissant fertile » est le berceau de la civilisation : notre Histoire commence en Mésopotamie. Cet espace d’introduction, articulé autour d’oeuvres phares représentatives des différentes civilisations antiques, se consacre aux sources du monde arabe avant l’avènement de l’islam.
Cet espace montre l’unité du monde arabe au travers des multiples et durables expressions de ses civilisations. Il raconte la naissance progressive d’une « identité arabe », le terme « arabe » apparaissant pour la première fois en 853 avant l’ère commune sur une stèle assyrienne, avant d’être repris en hébreu, en grec et en latin.
Ces peuples, mais aussi le désert et les oasis, les campagnes et les villes, ont façonné des modes de vie et donné naissance à des formes artistiques d’une exceptionnelle richesse.
Les artistes du Machrek puis du Maghreb réinvestissent leurs patrimoines préislamiques : rupestre en Algérie, mésopotamien en Irak, pharaonique en Égypte, nabatéen en Jordanie ou romain au Liban… Civilisations antiques et vestiges archéologiques inspirent des artistes, parfois experts eux-mêmes (Adam Henein ou Dia Al-Azzawi).
Avant l’arrivée de l’islam, les Arabes sont polythéistes, c’est-à-dire qu’ils vénèrent plusieurs dieux, à l’instar des Grecs, des Romains et des Égyptiens de l’Antiquité. Pour les historiens de l’art, le terme « islamique » regroupe une production artistique bien plus vaste que celle liée à la religion musulmane : il s’agit de toutes les œuvres réalisées dans une région courant de l’Espagne à l’Inde, entre le VIIe et le XIXe siècle, sous la domination de souverains le plus souvent musulmans.
Or, ce monde islamique est habité par des personnes de différentes confessions : musulmans sunnites, chiites ou kharijites, chrétiens appartenant à différentes Églises, juifs, zoroastriens, bouddhistes… Il arrive donc souvent que des œuvres d’art islamique soient utilisées par des juifs ou des chrétiens, dans un contexte religieux.
Cette galerie embrasse une vaste période depuis l’avènement de l’islam marqué par l’Hégire en 622, qui marque le début du calendrier musulman, à la chute de l’Empire ottoman en 1918.
L’expansion territoriale qui accompagne la naissance de l’islam favorise la création d’empires des rives de la Méditerranée aux frontières de la Chine, au sein desquels vivent des peuples de différentes ethnies, cultures et confessions.
L’objectif est de restituer ce qui fait le Beau et l’Utile dans le monde arabe après la naissance de l’islam ainsi que d’exposer ses continuités dans l’art moderne et contemporain. En effet, le concept de modernité arabe (hadâta) est intimement associé à celui d’authenticité (asâla). Forger son identité, préserver sa mémoire, transmettre son héritage ont constitué le canon d’un art moderne arabe, à la fois authentique et pluriel, qui participe pleinement de nos jours à la scène globale des arts. Les artistes dits « arabes »ont su rétablir des liens avec leur patrimoine tout en préservant leur dimension internationale.
Cette galerie rassemble des œuvres, objets et documents issus du monde arabe et européen de 1798 à la fondation de la Ligue arabe en 1945.
Elle couvre l’émergence émancipatrice de la Nahda, période d’échanges et d’influences culturelles, de bouleversements technologiques et d’affirmations nationales au Caire, à Beyrouth, à Damas et à Tunis. Les voyages jusqu’à Paris, Londres et même le continent américain nourrissent de florissants dialogues artistiques transnationaux. L’essor de l’orientalisme, érigé en discipline scientifique, illustre une fascination pour la culture arabe, ses oeuvres et son mode de vie. La vision découlant de ce mouvement sera confrontée à celle issue d’Edward Saïd et des artistes contemporains, qui déconstruisent cette image d’un ailleurs colonial.
Des chefs-d’œuvre de la collection du Nouveau Musée de l’IMA, de la fondation de la Ligue arabe à nos jours, seront exposés dans cette imposante galerie. Les récits de cette modernité plurielle et retraceront leurs liens avec les grands courants de l’histoire globale de l’art, dans leurs spécificités et leurs singularités.
Après la Seconde Guerre mondiale et la création de la Ligue arabe en 1945, les mouvements d’indépendance et la décolonisation s’intensifient. À la suite des pionniers d’avantguerre qui avaient adopté la tradition européenne des Beaux-Arts, une nouvelle scène artistique arabe s’affirme. L’art moderne émerge dans les pays arabes à la fin des années 1930 et au début des années 1950. Les avant-gardes assimilent de nouvelles esthétiques.
L’académisme illusionniste européen est abandonné au profit d’un ancrage local. Inspirées par les élans patriotiques, voire panarabes, ces avant-gardes interrogent le concept de nation et d’identité post-coloniale.
Il est cependant difficile d’enfermer l’artiste dans son arabité : il voyage, vit, dialogue, crée et expose au-delà de ses frontières.
Aujourd’hui plus que jamais, de l’Afrique du Nord aux pays du Golfe et sans oublier les diasporas, la scène artistique arabe s’impose par son dynamisme. Les artistes se projettent dans ce nouveau siècle avec leurs pratiques diversifiées, toujours plus cosmopolites et transnationales.
Plus qu’un discours univoque, cette sélection d’œuvres proposera des éclairages multiples, qui révèleront l’étendue, la complexité et la pluralité de leur créativité.
La présentation de cet espace conclusif est thématique plutôt que chronologique. Elle respecte le principe de rotation des supports fragiles : aquarelles, dessins, photographies et gravures, livres d’artistes et de bibliophilie qui constituent un corpus très riche dans l’histoire de l’art arabe, et une scène toujours très vivante.