Vie de l’institut
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Hommage de Jack Lang au poète libanais Salah Stétié

J’apprends avec une grande tristesse que Salah Stétié, mon grand ami, nous a quittés. La voix du poète s’est éteinte mais la mélancolie de ses mots résonne encore. 
 
Toujours serein et positif, cet amoureux du monde donnait corps et souffle à l’espoir. Véritable passeur de paix, de poésie et de culture, cet ambassadeur du verbe ouvrait les portes vers de nouveaux horizons artistiques et diplomatiques. Son militantisme humaniste était si pur et si rare que jamais je ne pourrai l’oublier. Au printemps 2015, nous l’avions l’invité à l’Institut du monde arabe où son témoignage nous avait tous totalement subjugués. Déjà en 1981, à l’UNESCO, j’avais organisé avec de nombreux intellectuels dont Salah Stétié faisait partie un symposium international sur la Science et la Culture qui donna naissance aux propositions culturelles de François Mitterrand.
 
Immense poète, il avait le don d’harmoniser les musicalités françaises et arabes ensemble, de les lier et de les entremêler. Ce tisserand des mots a édifié une arche solide entre les deux rives de la Méditerranée. Engagé, Salah Stétié aura été également un des moteurs d’un séminaire franco-grec, à Idra, que j’avais organisé avec Melina Mercouri avec de nombreuxm intellectuels de la Méditerranée. Ici encore, le poète nous avait éclairé de sa vision et de sa sagesse.
 
Ces poèmes regorgent de mélodies qui nous enivrent et dessinent d’autres mondes possibles. Sa parole, ciselée et travaillée, à la densité sonore, nous transportait dans des réflexions philosophiques et esthétiques. J’aime à me rappeler ce sublime vers qui me conforte dans mon éternel optimisme : “l’Homme: un improbable  qui rêve de l’impossible”.
 
Éminent connaisseur de la poésie française dont il était et restera une immense figure, il était un poète raffiné d’une érudition infinie pareille à la beauté de ses vers. Son âme vagabonde, son regard malicieux et son intelligence alerte nous manquent déjà. Cet artiste bâtisseur de paix, nous a laissé de magnifiques textes pour, qu’à notre tour, nous portions son message au-delà des frontières.

Jack Lang

 

“La paix, je la demande à ceux qui peuvent la donner
Comme si elle était leur propriété, leur chose
Elle qui n’est pas colombe, qui n’est pas tourterelle à nous ravir,
Mais simple objet du cœur régulier,
Mots partagés et partageables entre les hommes
Pour dire la faim, la soif, le pain, la poésie
La pluie dans le regard de ceux qui s’aiment
Oh, que tous ces moments de mémoire viennent à eux
avec un bouquet de violettes !
Ils se rappelleront alors les matinées de la rosée
L’odeur de l’eau et les fumées de l’aube sur la lune”