Exposition “Etienne Nasreddine Dinet et l'Algérie. Un amour incandescent”, à l'IMA Tourcoing à partir du 16 septembre
À 1h30 de Paris ! Expostion du 16 septembre 2023 au 14 janvier 2024
Comment l’œuvre d’un peintre français d’époque coloniale est-elle devenue une des identités visuelles de l’Algérie après l’indépendance ? Pourquoi Étienne Dinet est-il l’un des seuls peintres orientalistes à échapper au reproche d’exotisme et au procès fait au regard colonial ? Un double mystère que se propose d’élucider la rétrospective consacrée par l’IMA-Tourcoing à l’œuvre d’un artiste à la destinée hors du commun.
IMA Tourcoing 9, rue Gabriel-Péri 59200 Tourcoing | https://ima-tourcoing.fr
Né à Paris en 1861, Étienne Dinet se forme aux Beaux-Arts puis à l'Académie Julian tout en s'opposant à l'académisme ambiant. C'est fortuitement qu'il découvre l’Algérie, en 1884, en se joignant au voyage d'un ami. Suivent deux décennies durant lesquelles il passe ses hivers en France et ses étés à peindre dans les oasis du Sud algérien. Dès 1895, il renonce à toute source d’inspiration en dehors des sujets algériens.
Sa peinture s’inscrit en décalage avec les peintres orientalistes qui ne s’attachaient qu’aux aspects les plus rutilants d’un « Orient » factice qu’il dénonce. Dinet est avant tout un peintre réaliste. L’unité et la puissance de conviction de sa démarche passent par sa peinture, mais également par ses illustrations de nombreux ouvrages, présentés dans l’exposition.
En 1904, Dinet s'installe à demeure dans l’oasis de Bou-Saâda. Assez proche d’Alger, la présence française y est moins perceptible qu’à Biskra, destination touristique bientôt desservie par le train. Il y fait le choix d’observer la vie tribale, nomade et citadine. L'artiste, que la photographie passionnait, peint des instantanés de vie. De la nature, il cherche à peindre le jaillissement de l’eau et la végétation, mais également le désert comme espace à la fois hostile et familier. Mais ce sont avant tout les habitants du Sahara qui sont au centre de ses préoccupations.
Étienne Dinet se convertit à l’islam en 1913 sous le nom de Nasreddine. Ce tournant personnel complète d’un point de vue spirituel et moral ses choix esthétiques. Usant de son influence pour intervenir en faveur des indigènes, il s’insurge publiquement contre des réalités sociales dramatiquement injustes. Il joue auprès des autorités françaises un rôle civique important durant la Grande Guerre en martelant l’élémentaire gratitude due aux soldats musulmans indigènes.
C’est dans ce cadre qu’il publie La Vie de Mohammed, prophète d’Allah en 1918. Étienne Dinet effectue le pèlerinage à La Mecque en 1929, peu avant son décès survenue la même année. Alors célébré par la France comme un acteur essentiel du rapprochement entre la France et l’islam, il finit par occuper une place éminente dans la culture algérienne : l'historiographie nationale le dissocie du colonialisme, allant jusqu’à faire de lui une figure du nationalisme naissant, ce qu’il ne fut pas.
L’œuvre d’Étienne Dinet apparait aujourd’hui comme un trait d’union et un pont pour réconcilier les mémoires.
Commissariat : Mario Choueiry, historien de l'art, chargé de mission à l'Institut du monde arabe