Vie de l’institut
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En hommage à Jean-Pierre Vincent

La disparition de Jean-Pierre Vincent me bouleverse. Ensemble, nous étions guidés par une très belle et très forte complicité, et partagions une vision commune des lettres, du théâtre et des arts - et de la défense des cultures du monde.

 

Avec Ariane Mnouchkine et Patrice Chéreau, il représentait une génération théâtrale qui a ouvert au monde des classiques trop longtemps engoncés dans un immobilisme poussiéreux. Avant-garde, Il a été aussi un authentique découvreur de dramaturges contemporains qu’il ne cessera jamais de promouvoir. Il a joué les plus grands, de Molière à Musset, en passant par Goldoni, Brecht et Shakespeare. Il avait fait de sa scène l’astre autour duquel gravitait une galaxie européenne. Sa générosité sans réserve, l’élégance simple de ses mises en scènes, ses idées innombrables et novatrices avaient fait son génie.

Il a été un des hommes phares de la nouvelle politique du théâtre de la gauche en 1981. Ainsi, au même moment où je confiais la direction du théâtre des Amandiers à Patrice Chéreau et Catherine Tasca, je désignais l’emblématique Jean-Pierre Vincent comme administrateur général de la Comédie française pour y insuffler une air neuf et enchanteur.

Jean-Pierre Vincent et moi avions une inébranlable passion pour un théâtre d’art qui soit en même temps un théâtre citoyen. Nous rêvions d’une république du théâtre qui réconcilierait art populaire, art classique et art contemporain, et se constituerait pour les publics de tous les horizons en miroir de ses combats et de ses quêtes. Un théâtre capable d’être le reflet et la source des justes revendications de notre société.

Avec lui, ce rêve restait toujours vivace. Il a insufflé une vie dense et intense aux grands textes qui lui étaient chers, et essaimé, à Strasbourg, Nanterre, Avignon, Paris, toute une nouvelle génération de talents, dont Stanislas Nordey, Julie Deliquet et bien d’autres. Jean-Pierre Vincent n’est plus mais les germes qu’il a plantés sont là, et l’esprit de son action nous est aujourd’hui plus que jamais nécessaire.

Il me manquera comme à ses amis. Je pense à son épouse Nicole, à son fils et à ses proches.

 

Jack Lang