Conférences | Les dimanches de l’Algérie avec Kamel Yahiaoui
Conférence en présence de l'artiste Kamel Yahiaoui au sein de l'exposition "Algérie mon amour" : Témoin des deux rives
Artiste plasticien et poète, Kamel Yahiaoui considère l’art comme politique. Il mène une recherche subversive de vérité, au prix d’un travail d’élaboration esthétique long et complexe, rendant l’œuvre signifiante bien au-delà du moment de sa production.
Kamel YAHIAOUI. Un témoin des deux rives / Les dimanches de l’Algérie.
Evénement Institut du monde arabe
Kamel Yahiaoui | Algérie-France, né en 1966 (D’après Anissa Bouayed)
Artiste plasticien et poète, Kamel Yahiaoui considère l’art comme politique. Il mène une recherche subversive de vérité, au prix d’un travail d’élaboration esthétique long et complexe, rendant l’œuvre signifiante bien au-delà du moment de sa production.
Né à Alger en 1966, il est issu d’un milieu modeste et contraint très tôt au travail pour aider sa famille. Il sera entre 1987 et 1989 l’un des étudiants remarquables et atypiques de l’Ecole des beaux-arts d’Alger, choix hasardeux, hors de toute trajectoire professionnelle raisonnée, sans doute par proximité avec une mère à l’imagination féconde, utilisant le truchement d’objets du quotidien pour donner à sa vie de la poésie. Il participe activement à la longue grève de 1987-1988 qui met en question les conditions, les formes, le contenu de l’enseignement de l’Ecole, dans un contexte déjà marqué par le poids de l’islamisme. En octobre 1988, des émeutes à travers l’Algérie sont réprimées dans le sang, reflet de l’immobilisme politique, en dépit de la timide ouverture démocratique qui s’ensuit. Ce contexte permet de comprendre la dimension sociopolitique, dès ses débuts, du travail de Kamel Yahiaoui. L’une de ses premières œuvres s’intitule « On torture les torturés », terrible constat d’un jeune homme qui voit l’émeute réprimée avec des pratiques similaires à celles endurées pendant la lutte pour l’indépendance.
Kamel Yahiaoui entend revendiquer son ancrage social en élaborant un art qui n’établisse pas de coupure, tout en étant exigeant, créatif, pour interroger, entre autres, l’emprise idéologique sur le quotidien et pour rendre compte du réel sans le copier. Dans cette quête, il est soutenu par son aîné et ami le peintre Abdelwahab Mokrani et par l’un des enseignants de l’Ecole, Denis Martinez. Il engage une réflexion sur l’emprise des signes dans la société contemporaine, par exemple avec une série d’installations sonores faites à partir de postes de télévision des années 1960. Son engagement politique et moral envers son peuple participe sans doute profondément de sa volonté de ne pas être un énième représentant d’un « art savant » destiné à une élite, même s’il est un excellent peintre.
Kamel Yahiaoui commence en Algérie à se frayer un chemin en s’appropriant des objets qui deviennent des supports de ses œuvres, tels que serpillières, sacs de semoule, planches à laver,… Utiliser de tels objets courants, qui témoignent des difficultés croissantes de la vie des gens, a un sens profondément humain, même si l’artiste poursuit aussi un but formel en tirant de ces matériaux des effets plastiques surprenants. Pour Kamel Yahiaoui, l’objet introduit du réel dans l’œuvre. Plus qu’un support, il est une matrice qui porte déjà, comme système de signes, un fort pouvoir de suggestion, que le travail artistique va révéler, démultiplier ou réorienter vers une autre signification, selon la stratégie adoptée.
La suite des dimanches de l'Algérie :
- Dimanche 8 mai « Mohamed Khadda. Artiste et théoricien de l’art »
- Dimanche 22 mai « Abdallah Benanteur et l’Algérie »
- Dimanche 5 juin « Rachid Koraïchi. Parcours de l’émir Abdelkader et installations », en présence de l’artiste
- Dimanche 19 juin « Baya. Mythe et réalité »
- Dimanche 3 juillet « Denis Martinez. Un destin algérien », en présence de l’artiste