Interview with Nizar Habash
La standardisation : combler le vide de l’arabe langue étrangère
Entretien avec Hanada Taha Thomure
Entretien avec Hanada Taha Thomure, experte en enseignement de la langue arabe et directrice du Centre de recherche en langue arabe « Zai » de l’Université Zayed (Emirats arabes unis). Hanada sera l'une des conférencières de la première édition de l'École d’automne du Centre de langue de l’IMA (EDIMA). Dédiée à la didactique de la langue arabe, EDIMA 2023 se tiendra du 23 au 27 octobre prochain.
L'une des plus grandes difficultés rencontrées au fil de mon parcours réside probablement dans l’absence de références scientifiques fiables qui puissent permettre à l’enseignant de se doter des meilleures pratiques.
Pour commencer, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
J'ai eu la très grande chance de pouvoir enseigner la langue arabe à des apprenants de tous âges et de tous niveaux, des classes primaires jusqu'au niveau universitaire, à des natifs et à des non-natifs, dans des pays arabes et non arabes. Ces différentes expériences m'ont permis d'acquérir une profondeur de vue, transversale et fonctionnelle, concernant tout ce qui touche à l’enseignement de la langue arabe. Elles m’ont aidée à me forger une vision à la fois globale et détaillée de ce domaine, qui nécessite encore un important travail qualitatif, d’innovation et de perfectionnement.
A travers mon parcours, j’ai pu enseigner, concevoir des cursus, former et entraîner des enseignants, mettre en place des politiques linguistiques d’enseignement, outre la coopération avec d’autres experts de la langue arabe chargés du développement de l'enseignement et de l'apprentissage de l'arabe au sein d'organismes tels que la Banque mondiale ou l’Agence des Etats-Unis pour le développement international. J’ai aussi travaillé à la conception de stratégies nationales pour l’enseignement et l’apprentissage de la langue arabe, en Arabie saoudite, aux Emirats, en Jordanie, au Maroc et en Palestine, et publié des ouvrages dont Les Critères de la maitrise de l’arabe pour les natifs (éditions 2010, 2017, 2023) et Les Reconnaissances visuelles, qui sont utilisés dans un grand nombre d’écoles régionales.
J’ai également conçu un système de classement par niveaux des textes arabes, aujourd'hui utilisé par une centaine de maisons d’édition arabes et étrangères. Plus récemment, en 2023, j’ai dirigé l’élaboration du premier outil de diagnostic avancé qui permet d’évaluer les difficultés de la langue arabe et d’identifier les lacunes d'apprentissage et les troubles potentiels du développement chez les enfants. Cet outil, appelé SARD : Screening Arabic Reading Difficulties ou « Dépistage des difficultés de lecture en arabe », a été conçu en coopération avec une équipe de chercheurs du Centre Zai pour les recherches académiques centrées sur les méthodes d’enseignement de la langue arabe et du développement des compétences des enseignants.
Quels sont les difficultés et les obstacles que vous avez rencontrés en enseignant la langue arabe ?
L'une des plus grandes difficultés réside probablement dans l’absence de références scientifiques fiables qui puissent permettre à l’enseignant de se doter des meilleures pratiques. Je peux aussi citer le manque de ressources qualitatives, sans oublier le peu de formations destinées aux enseignants dans le but de leur procurer, quand ils disposent d'un budget restreint, des outils pratiques à mettre en œuvre en dépensant le moins d'argent possible.
Ces difficultés concernent aussi bien l’enseignement aux natifs qu'aux non-natifs. Concernant les non-natifs d'ailleurs, une autre difficulté, que j'ai spécifiquement rencontrée aux Etats-Unis, tient au grand nombre de raisons incitant les étudiants à y prendre des cours d’arabe : carrière militaire, commerciale, politique, motifs personnels, intérêt culturel… Une telle hétérogénéité interdit l'emploi d'un programme, de textes ou de méthodes uniques. Le résultat serait inefficace, voire inutile, et cela qui requiert de la part de l'enseignant des compétences particulières.
Il est donc important, aujourd’hui et plus tard, de nous concentrer sur la standardisation et l’encadrement de l’enseignement de la langue arabe aux natifs et aux non-natifs afin d’aboutir à un niveau satisfaisant, avant d'envisager la pluralité dans un second temps.
Dans votre intervention, vous souhaitez aborder le projet de standardisation de l’évaluation des cursus de langue arabe. Vous faites d'ailleurs partie du noyau dur qui mène ce projet. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Aujourd’hui, il n'existe aucune référence, aucun organisme arabe susceptible d'évaluer les programmes d’enseignement de la langue arabe dans les écoles et les universités. Les écarts de niveau, flagrants et assez effarants, nuisent aux apprenants dont certains achèvent leur cursus sans avoir acquis les compétences théoriquement requises. Cet état de fait est surtout présent chez les natifs. Il n'existe ni questionnement ni attentes nationales ou arabes communes, d’où l'émergence du projet auquel nous travaillons au Centre Zai de l’Université Zayed. Nous sommes ouverts à tout partenariat et prêts à coopérer avec toute institution intéressée. Actuellement, le Centre Zai recueille et analyse les références mondiales de l’évaluation des cursus de langues pour, dans un second temps, élaborer et ciseler un système propre à la langue arabe. Dès qu'il sera au point, nous le rendrons public afin de recueillir les réactions et d'en tenir compte.
Nous observons une concurrence, voire une mésentente, entre les pays arabes autour de la « standardisation », un genre de soft-power symboliquement important d’un point de vue politico-économique. Différentes écoles prétendent toutes être la seule et unique référence. Quels sont donc les éléments qui décident de l’unicité de la référence linguistique ?
Par-delà cette concurrence – qui n'a rien de scientifique à mon avis et n'est que l'expression d'un nationalisme ou d'un régionalisme –, je pense que la standardisation ne saurait découler d'une simple décision, car elle ne peut exister qu'à deux conditions essentielles : la fiabilité et l’accessibilité, comme dénominateurs communs entre les différents centres d'apprentissage. Or, malgré leur approche scientifique et leurs publications de grande qualité, les réseaux universitaires et les différentes écoles n’ont pas su cibler leurs publics d’utilisateurs et d’enseignants, ce qui les a transformés en tours d’ivoire inatteignables n'assurant ni la fiabilité ni l’accessibilité, qui sont les conditions primordiales que j’ai précédemment mentionnées.
Je ne pense pas que la standardisation soit nécessairement unique. L'important, c'est la fiabilité des références auxquelles aura recours le public d’utilisateurs afin qu’elles comblent ses manques, satisfassent ses besoins et lui procurent les informations et les ressources qu’il cherche. Cela n’a malheureusement jamais été appliqué. Cependant, quelques lueurs d’espoir percent grâce à des écoles modernes fondées récemment. Je trouve leur travail sur l’accessibilité plus dynamique, flexible et ambitieux : une bonne nouvelle qui équivaut au renouveau de la langue arabe.
La pluralité linguistique est sans aucun doute une richesse. N’y a-t-il pas opposition entre pluralité et standardisation ?
Ce constat vaut pour différents domaines et différentes langues qui se sont enrichis par des méthodes d’enseignement et des théories leur ayant permis de mettre cette pluralité en place. Le domaine de l’enseignement de l’arabe aux natifs, et surtout aux non-natifs, n’a pas encore atteint ce degré de maturité, de croissance, de certitude, qui lui permette d’adopter la pluralité. Il est donc important, aujourd’hui et plus tard, de nous concentrer sur la standardisation et l’encadrement de l’enseignement de la langue arabe aux natifs et aux non-natifs afin d’aboutir à un niveau satisfaisant, avant d'envisager la pluralité dans un second temps.
Comment percevez-vous le genre de rencontre que l’IMA organise à Paris cet automne ?
L’un des besoins pressants de la langue arabe est le manque de rencontres qui laissent libre cours à des débats et discussions scientifiques et pratiques en relation avec la didactique et la pédagogie de la langue arabe. Cette rencontre organisée par l’Institut du monde arabe à Paris et l’aspect scientifique qu’elle prend comblent un énorme vide et annoncent certainement la genèse de projets de recherche et d’enseignement qui enrichiront le domaine.
عن أهمية معيرة تعليم اللغة العربية لغير الناطقين بها
ستشارك هنادا طه ثوميور، الخبيرة في تعليم الّلغة العربية والتي تعمل في مركز زاي لبحوث اللغة العربية في جامعة زايد في الإمارات العربية المتحدة، في المدرسة الخريفيّة لتعليم اللّغة العربيّة الّتي ينظّمها مركز اللّغة والحضارة العربية لمعهد العالم العربي بين 23 أكتوبر و27 تشرين الأوّل 2023، وهو لقاء يسعى المركز لجعله دورياً بين المشتغلين في تعليم اللغة العربية على مستوى العالم.
لربما من أكبر الصعوبات التي واجهتها في تدريس العربية هو غياب مرجعيات علمية موثوقة ممكن أن تفيد المعلّم عن أفضل ممارسات التعليم، وقلة مصادر عالية الجودة
هل يمكنك أوّلًا أن تعرّفي عن نفسك وتخبرينا قليلًا عن مسيرتك؟
كنت محظوظة جدا أني اختبرت تعليم اللغة العربية في جميع المستويات من الصف الأول الإبتدائي إلى المستوى الجامعي للناطقين بها وبغيرها وفي بلدان عربية وأجنبية. هذه التجارب أعطتني عمقاً ورؤية أفقية وعمودية فيما يتعلّق بتدريس العربية وساعدتني على أن أرى الصورة الكبيرة بالإضافة إلى الصورة الدقيقة المصغرة لهذا الميدان الذي ما زال يحتاج إلى الكثير من العمل والابتكار والجودة. عملت في التدريس، والتدريب، وصناعة المناهج، وإعداد المعلّمين وتدريبهم، وصناعة السياسات اللغوية في التعليم، بالإضافة إلى مشاركتي مؤخراً مع خبراء آخرين لجهات عالمية كالبنك الدولي والوكالة الأمريكية للتنمية في مشاريع تطوير تعليم اللغة العربية في منطقة الشرق الأوسط وشمال إفريقيا، كما عملت على تصميم استراتيجيات وطنية لتعليم اللغة العربية وتعلّمها (السعودية، الإمارات، الأردن، المغرب، فلسطين). أصدرتُ معايير فنون اللغة العربية للناطقين بها (نسخة 2010، 2017، 2023) والكلمات البصرية الّتي تستخدم في عدد من مدارس المنطقة، بالإضافة إلى إصداري لنظام تصنيف مستويات النصوص العربية والذي تستخدمه 100 دار نشر عربية وأجنبية. في 2023 أصدرت بالتعاون مع فريق بحثي ومن خلال مركز زاي لبحوث اللغة العربية في جامعة زايد أول أداة عربية لتشخيص صعوبات القراءة (سرد).
ما هي الصّعوبات والتّحدّيات الّتي واجهتها في تدريس اللّغة العربيّة؟
لربما من أكبر الصعوبات التي واجهتها في تدريس العربية هو غياب مرجعيات علمية موثوقة ممكن أن تفيد المعلّم عن أفضل ممارسات التعليم، وقلة مصادر عالية الجودة. إضافة إلى قلة التدريب العملي الذي يعطي المعلّم ممارسات وأفكار عملية ممكن تطبيقها في الصف بأقل تكلفة ممكنة. وهذه الصعوبات تنطبق على تدريس الناطقين بها وبغيرها على حدّ سواء. إضافة إلى ذلك، وفيما يتعلق بتدريس الناطقين بغير العربية، فإنّ من أبرز الصعوبات في الولايات المتحدة الأمريكية مثلا تعدّد الأغراض (وأحيانا تضاربها) التي من أجلها يتعلم الطالب الجامعي اللغة العربية (أغراض عسكرية، تجارية، سياسية، فردية، ثقافية) مما يجعل فكرة استخدام منهج واحد أو نصوص موحدة وحتى طرائق تدريسية موحّدة أمرًا غير مجدٍ إطلاقاً، مما يؤدي إلى صعوبة الوصول للكفاءة اللغوية المتوخاة من الدراسة.
رغم التنافس الذي لا أراه وصل حدّ التنافسية العلمية الحقة وإنما هو حبيس "الوطنية والمحلية" إلى الآن فإنّ فكرة المرجعية ليست قراراً برأيي، وإنما هي محكومة بعاملين، الأول هو الموثوقية العليا والثانية هو القدرة على الوصول والإتاحة
تودّين أن تتحدثي في مداخلتك عن مرجعية تقييم برامج تدريس العربية، ويبدو أنك من بين القائمين على هذا المشروع. هل من الممكن أن تحدّثينا باختصار عن المشروع وأهميّته؟
لا توجد اليوم أيّ مرجعية أو مؤسسة عربية تقيّم برامج تعليم اللغة العربية في المدارس والجامعات. وعليه فإن الفرق في مستوى جودة التعليم والتّفاوت الكبير والمخيف لا يخدم معظم الطّلاب الذين يتخرّجون دون مستوى الكفاءة المطلوب وبخاصة للناطق بالعربية. لا يوجد أي مساءلة ولا حتى أي توقعات وطنية أو عربية مشتركة في هذا الشأن ومن هنا جاءت هذه الفكرة والتي نعمل عليها في مركز زاي لبحوث اللغة العربية في جامعة زايد ونرحّب بالتّعاون وبانضمام المؤسسات المهتمة إلينا. ويقوم مركز زاي حاليًّا بمسح المعايير العالمية لتقييم برامج تعليم اللغة للاستفادة في نحت معايير تقييم برامج اللغة العربية والتي سنعرضها عليكم لإبداء الرأي ما إن تصبح جاهزة للمشاركة.
يبدو أن هناك تنافساً على مفهوم " المرجعية" بين البلاد العربية، ويبدو كذلك أن المرجعية مفهوم رمزي مهم على مستوى السياسة الثّقافية والقوة النّاعمة. تاريخيًّا هناك مجامع للّغة العربية في عدّة حواضر عربية، كلّ منها كان يعتبر نفسه مرجعاً، ما العوامل التي تقرّر أوحدية المرجع اللّغوي؟
رغم التنافس الذي لا أراه وصل حدّ التّنافسية العلمية الحقة وإنما هو حبيس "الوطنية والمحلية" إلى الآن فإنّ فكرة المرجعية ليست قراراً برأيي، وإنما هي محكومة بعاملين، الأول هو الموثوقية العليا والثانية هو القدرة على الوصول والإتاحة. وإن لم يتحقق العاملان هذان كشرطين أساسين لفكرة المرجعية فإنها لا تكون. وأظن أن هذا هو الحاصل مع أكاديميات أو مجامع اللغة العربية الموجودة حاليا. فهي رغم علميتها وبعض إصداراتها الممتازة إلا أنها لم تصل إلى جمهور المستخدمين ولا جمهور المعلّمين مما جعلها أبراجا عاجية لم تستطع بأن تحقق شرط القدرة على الإتاحة والوصول. لا أظن أن المطلوب في المرجعيات اللغوية هو الأوحدية بالضرورة. المطلوب هو أن تكون مرجعيات موثوقة يعود جمهور المستخدمين إليها ويصلون إلى حاجتهم من المعلومات والمصادر. وهذا لم يتحقق حتى اللحظة، ولكن هناك نقاط ضوء تبثّها مجامع لغوية تأسست حديثاً، وأجدها أكثر حراكاً وأكثر ليونة وطموحاً من جهة الوصول والإتاحة ما يبشّر بانطلاقة جديدة إن شاء الله للغة العربية.
التّعددية غنى، ولكن هناك تناقض بين كلمة مرجعيّة وبين التّعدد، ما رأيك؟
قد تكون المقولة صحيحة في ميادين مختلفة ولغات مختلفة قد اغتنت بطرائق التدريس والنظريات التي تمكنها من إرساء التعددية ومن الاختيارات. ولكني أرى أنّ ميدان تعليم العربية للناطقين بها وبغيرها تحديدا لم ينضج بعد ولم يصل إلى درجة التمكّن والجودة بما يمكّنه من هذه التعددية، ولذا أرى أنه من المهم في الفترة الحالية والقادمة أن يتم التركيز على معيرة التعليم للناطقين بها وبغيرها لأجلالوصول إلى تعليم عالي الجودة ومتقن يمكّننا فيما بعد من الانطلاق نحو عوالم متغيرة ومتعددة.
كيف تنظرين لمثل هذه اللّقاءات التي ينتوي معهد العالم العربي أن يقيمها في باريس خلال الخريف؟
واحدة من المعالم التي تنقص اللغة العربية حاليا وجود لقاءات تناقش بشكل علمي وعملي مسائل مختلفة متعلقة بتعليمية اللغة العربية. وبالتالي فإن هذا اللقاء الذي يحتضنه معهد العالم العربي في باريس والشكل العملي الذي جاء فيه يسدّ فجوة علمية كبيرة نأمل أن تؤدي إلى مشاريع بحثية وتدريسية تغني الميدان بما يحتاجه.