Portraits
Publié le
par
Chloé Ghobril

Ode à l’héritage

Entretien avec Ahmed Kharraz, enseignant et poète

Entretien avec Ahmed Kharraz, universitaire multidiplômé, enseignant, traducteur, poète, amoureux du mouwachah, cette « poésie écrite pour être chantée »  et… fan de Fayrouz, à laquelle il doit pour une bonne part de son amour des lettres.
C'est donc tout naturellement qu'Ahmed s'est chargé d'organiser, dans le cadre de la Fête de la musique 2023, une rencontre consacrée au « Mouwachah : splendeurs de l’héritage poético-musical andalou ». Rendez-vous dimanche 18 juin à la bibliothèque de l'IMA pour une série d'interventions (de 10h30 à 13h) suivies d'un concert à 15h…

Plus d'informations sur la rencontre du 18 juin

La musique, et plus précisément le mouwachah, nous aide à nous comprendre nous-mêmes en s'adressant directement au cœur. Il nous parle sans messages codés, sans artifices.

Voyageur de nature, en perpétuelle recherche d’identité et de découverte, Ahmed quitte la France, son pays natal, afin d’entamer son parcours universitaire au Maroc. Il y obtient un diplôme des études supérieures approfondies (DESA) puis enchaine en France avec un diplôme d’études approfondies (DEA), avant de s’inscrire à un premier doctorat portant sur la littérature comparée. Il se lance ensuite, à Strasbourg, dans l’enseignement universitaire de la langue arabe tout en étant professeur de français en lycée. Un deuxième doctorat en traduction et analyse poétique le conduit à Paris, à l’Inalco. C’est en 2019, lors d’un café littéraire, qu’il rencontre le président de l’IMA, Jack Lang, qui l’incite à venir enseigner la langue arabe au Centre de langue de l’IMA. Ahmed enseigne aussi à Sciences Po et à l’Université Paul Valéry de Montpellier.

Passionné par le mouwachah, ayant déjà publié un recueil de poésie et organisé maintes semaines culturelles pour la promotion de la langue arabe… : il était évident qu’Ahmed organise cet événement qui lie poésie et musique. Pourquoi la poésie andalouse ? Car c'est, nous dit-il, une musique authentique, une ode à l’héritage d’Al-Andalus, qui nous parle de nostalgie et d’histoire.

Quel est votre plus ancien souvenir de musique ?

En un mot : Fayrouz. Je suis originaire de Tétouan, une ville andalouse. J’ai toujours été bercé par les Andaloussiyat. Les chansons de l’icône libanaise ont fait naître en moi cet amour de la poésie. Je peux dire sans aucune exagération que c’est grâce à Fayrouz que j’ai poursuivi un parcours littéraire avec tant de passion. Ses textes de qualité, choisis si méticuleusement, m’ont charmé, voire presque envouté. Fayrouz a une voix hors du commun et des textes universels qui, en toute liberté, transcendent les cultures, envahissent le cœur de tous et honorent l’arabe littéral. Ses chansons représentent le mariage parfait des mots et des sons.

Amour de la musique et amour de la langue sont-ils liés ?

Tout à fait ! Surtout dans le cas des mouwachahat et des poèmes en général. La poésie est un ensemble de rythmes, et qui dit rythme dit musique. Elle ne peut être que chantée : les Arabes ne « lisent » jamais un poème. Ils le « déclament », expriment son rythme, presque jusqu'au chant. Les paroles poétiques exigent qu’on leur donne une certaine voix. En arabe, on dit souvent qu’un bon lecteur de poésie est meilleur qu’un poète moyen. Les paroles seules ne suffisent pas, tout dépend de la manière dont elles sont exprimées.

La musique fait-elle partie de votre méthode d’enseignement ? Quelle chanson conseilleriez-vous à un nouvel apprenant de la langue arabe ?

Il m’arrive de proposer des passages de musique arabe à mes étudiants pour la simple raison que la musique engendre facilement un amour de la langue. Elle la montre dans son état naturel, authentique, et pratique. Il ne faut pas oublier que la musique, surtout celle de Fayrouz que je propose très souvent, aide les apprenants à améliorer leur prononciation grâce aux textes écrits en arabe littéral et non dialectal. C’est un très bon entrainement unissant toutes les régions dans un art aimé et apprécié par tous.
En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, je dirais : il y a tellement de chansons qui méritent cet honneur que choisir serait une injustice. L’idéal serait de choisir une chanson en arabe littéral, un poème ancien ou moderne, qui puisse nous apporter plus de connaissances. Avec Fayrouz, on est toujours servi !

Si vous deviez choisir une chanson arabe pour décrire votre vie, laquelle choisiriez-vous ?

J’ai l’embarras du choix ! Je dirais : Aatini Al Naya Wa Ghanni (Donne-moi le nay et chante), ce poème magnifique de Gibran Khalil Gibran chanté par nulle autre que Fayrouz. Gibran est le plus influent des poètes du Mahjar, mon mouvement littéraire préféré. J’y retrouve un romantisme fascinant qui puise à l’arrachement, parfois involontaire, des racines ancrées dans le sol maternel ou la terre natale. Ce sont des écrivains qui, malgré la distance, encouragent et diffusent la littérature et la culture arabe à l’étranger. C’est pourquoi je penche toujours plus vers la poésie romantique et y retrouve une partie de mon identité. Le parcours de ces poètes et leurs missions sont assez semblables aux miens : un mélange d’arabophonie et de francophonie, deux volets qui s’entremêlent pour former une richesse à la fois convergente et divergente, nous donnant la capacité de percevoir ce qui nous entoure de manières différentes mais complémentaires.

Il ne suffit pas d’une mélodie pour composer une chanson. Les paroles sont aussi nécessaires. Sommes-nous capables d’apprécier et de comprendre l’émotion communiquée à travers une chanson sans en comprendre les paroles ?

Sûrement. J’ai plusieurs fois été invité à déclamer des poèmes non seulement en France mais aussi en Allemagne. Souvent, le public n’est pas du tout arabophone. Or, je ne traduis jamais systématiquement mes textes, tout comme le public ne réclame jamais de traduction. Il cherche toujours cette sonorité arabe authentique, qui berce, sans forcément demander à comprendre le mot-à-mot. J’accompagne bien évidement mes lectures de traductions. Cependant, comme dit le proverbe italien : Traduttore, traditore (Traduire c’est trahir). Je propose une approche à la traduction, et non une traduction. Dès qu’on traduit un poème, on perd son rythme et ses rimes. En d’autres termes, on risque de perdre tout son charme. C’est à travers cette envie d’écouter le poème dans son état initial que nous constatons l’importance de la sonorité et du rythme.

Pourquoi avoir choisi le mouwachah et pas un autre genre musical ? Qu’a-t-il de si caractéristique ?

Le mouwachah honore Al-Andalus, la terre d’origine de ce genre musical. Ce n’est pas une simple poésie. Il a été écrit pour être chanté et cela le démarque du reste des poèmes du monde. En général, qui dit  poème ne veut pas nécessairement dire musique. Le mouwachah quant à lui est un art à part : l’art de créer un lien intrinsèque entre musique et langue. Il implique immédiatement musique et paroles. Le monde arabe associe d’habitude le terme mouwachah à la poésie strophique ; une création des Andalous qui a transformé le poème arabe monorime pour introduire la variation des rimes. Cet effet a donné beaucoup plus de couleurs aux poèmes et les a adaptés au chant et à la musique.
En plus de sa spécificité sonore, le mouwachah suscite facilement l’intérêt de tous puisqu’on y retrouve deux genres : le profane et le sacré. L’un parle de femmes, de vins, de la vie andalouse… et l’autre aborde en contrepartie le soufisme, le mystique… Les deux genres sont très proches grâce au symbolisme qu’ils recèlent. Dans la philosophie des Andalous, il n’y a pas de séparation entre corps et âme. Ils essayent de montrer que les deux sont étroitement liés en exprimant le sacré par le profane. En écoutant un mouwachah, on pourrait facilement croire que l’auteur parle de femmes et de vin tandis qu’il exprime effectivement des pensées spirituelles et philosophiques.

Même si la réponse est évidente, je tiens à vous poser cette question : à votre avis, quel chanteur ou chanteuse interprète au mieux les mouwachahat ? Un poème précis vous tient-il à cœur ?

[Rires] Commençons par le poème qui me tient à cœur : Jadak al-Ghaithu d’Ibn al-Khatîb, un poème type de mouwachah interprété par, comme vous pouvez déjà le deviner : Fayrouz. Abdessadeq Cheqara est aussi un grand artiste que j'admire énormément.
La musique, et plus précisément le mouwachah, nous aide à nous comprendre nous-mêmes en s'adressant directement au cœur. Il nous parle sans messages codés, sans artifices. Une personne qui ne comprend pas complètement les paroles peut très bien apprécier et assimiler le message à travers la musique.

 

مقابلة مع أحمد الخرّاز، مدّرّس لّلغة العربية في مركز اللّغة. ينظّم أحمد فعّاليّة "الموشّح" للاحتفال بمهرجان الموسيقى واختار موضوع الموشّحات الأندلسيّة.

غادر أحمد فرنسا، مكان ولادته، لبدء مسيرته الجامعية في المغرب. هناك، نال شهادة الدّراسات العليا المتقدّمة ثم تابع دراسته في فرنسا ونال شهادة دكتوراه أولى في الأدب المقارن. بعدها، بدأ بتدريس اللّغتين الفرنسية والعربية في ستراسبورغ. قادته شهادة الدكتوراه الثانية في الترجمة والتحليل الشعري إلى باريس وتحديدًا الإينالكو. في العام 2019، التقى السّيد جاك لانغ، رئيس معهد العالم العربي في مقهى أدبي، وحثّه على تدريس اللّغة العربية في مركز اللّغة التابع للمعهد، كما يدرس في جامعتي العلوم السّياسيّة (سيانس بو) وبول فاليري في مونبلييه.

لطالما عبّر أحمد عن شغفه وحبّه للقصائد، فنشر مجموعة شعرية "صهيل" ونظّم العديد من الأسابيع الثقافية لترويج اللّغة العربية. لذلك، من البديهي أن ينظّم أحمد هذه الفعاليّة التّي تربط الشعر بالموسيقى. لماذا اختار الشعر الأندلسي؟ لأنّه بكلّ بساطة عبارة عن موسيقى أصيلة، قصيدة تراث الأندلس، موجّهة للجميع وتترجم التّاريخ والحنين والمشاعر.

  • ما هي أولى ذكرياتك مع الموسيقى؟

تبدأ ذكرياتي للموسيقى مع فيروز وماجدة الرومي والموسيقى الأندلسيّة وموسيقى الآلة المغربيّة. وهنا بدأ ذوقي الموسيقي بالتّكوّن شيئًا فشيئًا.

  • هل ترى رابطًا متينًا بين اللّغة العربيّة والموسيقى؟

بالطّبع، لأنّ اللّغة العربيّة هي أصلًا لغّة شعريّة، لغّة تخاطب القلب قبل أن تخاطب العقل والسّبب في ذلك: إيقاعها. كمثالٍ على ذلك نذكر الأمثال العربيّة كالجار قبل الدّار والرّفيق قبل الطّريق. فلطالما وُجد الإيقاع في الأدب العربي لا سيّما في الأمثال والقصائد الّتي تُلقى ولا تُقرأ.

  • أتعتقد أن الموسيقى أداة تعليم فعّالة؟

أكيد، وحتّى أكثر من فعّالة. الموسيقى هي منهج من المناهج المُستخدمة لتدريس اللّغة العربيّة لأنّها تقرّب الطلّبة والتّلاميذ بصفةٍ عامة من اللّغة، وتساعدهم على تطبيقها وفهم تراكيبها وألفاظها.

  • هل تظن أن اللّغة العربيّة تناسب أنواع الموسيقى كلّها؟

هي لا تناسب الموسيقى فحسب، بل هي أعرق لغة رافقت دائمًا الموسيقى. الشّعر كما نقول هو ديوان العرب وهو أصلًا موسيقى وإيقاع وصوتيّات. اللّغة العربيّة بشعرها تجعل من الموسيقى جزء لا يتجزأ من اللّغة. كلّ ذلك يُطبّق أيضًا على الموسيقى العصريّة والحديثة. اللّغة العربيّة تتأقلم مع جميع أنواع الموسيقى والدّليل على ذلك بعض الفنّانين الفلسطينيين مثلًا الّذين استطاعوا نشر الموسيقى العربيّة والنّصوص القديمة عبر ألحانٍ حديثة تناسب أذواق الجيل الجديد. اللّغة العربيّة لغّة سلسة، بطبيعتها غنائيّة، تحتمل وتستوعب أنواع الموسيقى كلّها.

  • ألديك أي تحفّظ تجاه نوع موسيقي معيّن؟

تحفّظ... نعم. شخصيًّا، لا أستمتع كثيرًا بالموسيقى التّجاريّة لأنّي أشعر أحيانًا أن هدفها اقتصادي فحسب. أرى أنّها لا تُلائم القصائد لذلك لا أرتاح كثيرًا لهذا النوع من الموسيقى. أُفضّل الموسيقى الهادئة الّتي تتماشى مع الشّعر ومع الرّسالة الأدبيّة والرّسالة الإنسانيّة بصفة عامّة. بالنّسبة إليّ، الموسيقى الّتي تهمل قليلًا نوعيّة الكلمات هي نوع آخر من الموسيقى، لها جمهورها طبعًا، لكن لستُ منه.

على اللّحن أن يتماشى مع الكلمات لأن الأغنية في النّهاية عمل واحد متناسق. عندما تُلحّن الكلمات، تصبح جسدًا واحدًا. الكلمة هي الأساس ويأتي اللّحن ليغطّيها ويعطيها شكلًا يُقدّم إلى الجمهور

  • ما الأهم في أغنية: اللّحن أو الكلمات؟ وما المقوّم الأهم في الموشّحات الأندلسيّة؟

تزاوج العنصرين. على اللّحن أن يتماشى مع الكلمات لأن الأغنية في النّهاية عمل واحد متناسق. عندما تُلحّن الكلمات، تصبح جسدًا واحدًا. الكلمة هي الأساس ويأتي اللّحن ليغطّيها ويعطيها شكلًا يُقدّم إلى الجمهور. لذلك أقول أن الموسيقى جزء من الشّعر والشّعر هو مكمّل للموسيقى شرط تواجد توافق وانسجام بينها.

أمّا الموشّحات الأندلسيّة فليست قصائد للتّفكير، هي قصائد للغناء. هذا يعني أنّها تركّز أكثر على الشّكل وليس المضمون. الشّكل يعني الصّوتيّات أي ما نسمّيه بالبديع والمحسّنات البديعيّة كالسّجع والجناس. هذه المقوّمات تدفع الشّاعر إلى تنميق الكلام أكثر من المضمون ما يجعل المعاني سهلة جدًّا. تركيب الموشّح هو المقوّم المهم الّذي يتطلّب حرفة معيّنة لأنّه يعتمد على الكلمة وموسيقتها وشكلها وألوان الصّوتيّات بمعنى تغيير القافية.

  • تنظّم فعاليّة الموشّح في 18 حزيران 2023. لماذا قرّرت تنظيمها في معهد العالم العربي؟

أوّلًا، لأن معهد العالم العربي يُمثّل الثّقافة العربيّة في باريس وأوروبا كلّها. فتنظيم الفعاليّة في المعهد يعطيها بعدًا عالميًّا. لا ننسى أن المعهد صلة وصل بين المشرق والمغرب، بين الدوّل العربيّة والدول الأوروبيّة. لذلك، تنظيم الفعاليّة في هذا المعهد تجعله منفتحًا على جمهورٍ أكبر لا يختصر فقط على النّاطقين باللّغة العربية.

إن أردنا، يمكننا ربط هويّة المعهد بالأندلس. فنتحدّث دائمًا في يومنا هذا عن تأثير الغرب على الشّرق لكن الأندلس كالمعهد يبرهنان تأثير الشّرق على الغرب أيضًا.

لقد طُرحت كثيرًا مسألة تأثير الشّرق على الغرب في عصر الأندلس وعولجت في العديد من الدّراسات. حاولنا التّنقيب في بداية الموشّح لنرى من أين أتى. كان الشّعراء يعتمدون القصيدة العموديّة الكلاسيكيّة لكنّهم تأثّروا بالموسيقى وحاولوا أقلمة النّص إليها، ما دفعهم إلى تلوينه. الجدير بالذّكر هنا هو أنّ الموشّح أثّر في الشّعر الأوروبي وهناك دراسات تؤكّد أن الشّعراء الأوروبيين خصوصًا شعراء جنوب فرنسا "التروبادور" تأثّروا كثيرًا بالشّعر العربي ونظموا قصائد على شكل الموشّح لكن بلغّاتهم. فالموشّح الّذي أصوله عربيّة طبعًا هو تأثير عربي على الأدب الأوروبي. الأهم هنا هو أن هذا الموشّح أعطى نظرة فنيّة جديدة لا تزال تستمّر حتّى يومنا هذا في أوروبّا والمغرب والمشرق.

أخيرًا، لماذا اخترتُ الموشّح وليس أي نوع آخر من الشّعر؟ لأنّه ولد في الأندلس، في أوروبا، وكانت الأمّة العربيّة في أوروبّا باحتكاكٍ مباشر مع الأوروبيين ما يزيد من أوجه الشّبه مع معهد العالم العربي

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