Interview with Nizar Habash
La langue arabe, passionnément
Entretien avec Houssam Khaski, professeur d’arabe à l’IMA
Houssam Khaski est l’un des « anciens » du Centre de langue de l’IMA : il y enseigne l’arabe depuis vingt-cinq ans. La raison de son choix ? Sa passion pour la langue et la culture arabes, et pour leur transmission.
Français d’origine syrienne, Houssam Khaski est professeur d’arabe au Centre de langue et de civilisation arabes (CLCA) de l’IMA depuis 1997. Ancien professeur dans un institut de formation à Damas, il quitte la Syrie en 1989 pour un stage en linguistique appliquée à Besançon. Après un troisième cycle à la Sorbonne en linguistique arabe standard et des médias, il rejoint le CLCA dès son ouverture pour donner les premiers cours de langue qui y sont dispensés.
C’est gratifiant, d'aider mes élèves à surmonter les difficultés qui découlent des différences structurelles entre langues européennes et langue arabe. Constater leurs progrès m’est un plaisir toujours renouvelé. Et découvrir qu’un de mes anciens étudiants s’est inscrit dans une classe de niveau supérieur est pour moi un réel bonheur.
D’où vous vient votre amour de la langue arabe ?
L’arabe est ma langue maternelle ; j’ai une réelle passion pour cette langue, que j’ai sublimée en poursuivant des études approfondies en linguistique.
Dans ma jeunesse, il y avait de nombreux enseignants dans mon entourage : mon père était professeur d’arabe, mon oncle, professeur d’anglais, le mari de ma tante, inspecteur à Alep, sans compter mes tantes, dont beaucoup étaient aussi enseignantes ! En somme, devenir professeur était pour moi une voie naturelle, et je m’y suis engagé très tôt : dès ma maîtrise de français en poche, je suis devenu enseignant titulaire.
Un événement m’a beaucoup marqué et m’a conforté dans ce choix. Un jour, un inspecteur venu assister à l’un de mes cours a indiqué dans son rapport que j’avais « une excellente capacité à transmettre et à faire comprendre aux élèves ». Je n’avais jamais réalisé que j’avais ce don, c’était la première fois qu’on me le disait; et ça m’a beaucoup encouragé dans cette voie.
Aujourd’hui, mon lien naturel avec cette belle langue se consolide et se développe à travers les poèmes et les romans que je lis, les chansons que j’écoute… Tout l’aspect culturel qui gravite autour de la langue arabe me fascine, que ce soit l’art islamique, l’architecture ou même sa syntaxe, si complexe mais si belle, qui ne cesse de m’étonner et de me passionner.
Pourquoi avoir choisi l’IMA pour enseigner ?
Dès sa création, l’IMA s’est distingué comme un haut lieu de connaissance et d’enseignement de la langue arabe ; c’est donc tout naturellement que je me suis dirigé vers cette institution.
À l’origine, il n’y avait que peu de professeurs et peu d’élèves. Leur nombre a considérablement augmenté par la suite, notamment avec la venue d'entreprises souhaitant former leurs équipes à la langue arabe. Il y a eu de plus en plus de demandes de formation ; c’est ainsi que j’ai eu l’occasion de travailler avec des journalistes, collaborateurs de Radio France Internationale, du Monde, du Figaro, de France Inter ou encore de Radio Monte-Carlo.
Qu’aimez-vous le plus, dans votre métier ?
Avant tout l’aspect humain – j’ai cette passion de transmettre la langue arabe à qui ne la connaît pas, et je suis animé par le souci permanent d’en simplifier l’acquisition. C’est intéressant, de rechercher les moyens les plus efficaces et les plus simples d’aider ses élèves à apprendre tout en prenant du plaisir.
Et puis c’est gratifiant, de les aider à surmonter les difficultés qui découlent des différences structurelles entre langues européennes et langue arabe. Constater leurs progrès m’est un plaisir toujours renouvelé. Et découvrir qu’un de mes anciens étudiants s’est inscrit dans une classe de niveau supérieur est pour moi un réel bonheur.
Enfin, le lien qui se noue entre l’élève et l’enseignant est très fort : pendant les cours, les élèves sont amenés à parler de leur vie personnelle, et c’est ainsi qu’un lien particulier se crée et se renforce.
Comment le CLCA favorise-t-il ces liens, ce contact humain dans des cours qui restent théoriques ?
Pour les enseignants du Centre de langue de l’IMA, le contact humain est extrêmement important. Nos cours privilégient différentes interactions : entre eux et avec les professeurs, les étudiants sont encouragés à parler d’eux-mêmes, de leur entourage, de leur histoire… Pour vous donner un exemple, une de mes étudiantes a manqué un cours ; au cours suivant, elle nous a raconté le pourquoi de son absence. On en revient à ce que viens de vous dire, concernant les liens et à la proximité qui se créent.
Inversement, qu’aimez-vous le moins dans l’enseignement ?
C’est un travail qui prend beaucoup de temps – il ne s’arrête pas réellement à la fin des cours, notamment pour les élèves des niveaux avancés, pour lesquels il faut préparer des exercices en amont, les corriger, rechercher et lire des textes et des romans à étudier, préparer des activités individuelles ou collectives. Cela dit, la technologie a considérablement facilité les choses, que ce soit pour rédiger des textes, les simplifier, donner les cours en distanciel lorsque c’est nécessaire, enregistrer des documents audio….
Quel est le profil de vos étudiants ?
Au début, il s’agissait pour la plupart de retraités curieux, désireux d’occuper leur temps libre ou qui recherchaient simplement le plaisir d’apprendre une nouvelle langue.
Avec le temps, les choses ont beaucoup changé. Aujourd’hui, les étudiants viennent de tous les horizons : il y a de jeunes universitaires, des journalistes, des ingénieurs, des médecins… Avec en partage une même curiosité et la passion d’avancer, d’atteindre un certain seuil de connaissances dans cette langue.
La plupart ont un intérêt ou un lien avec le monde arabe, qu’ils veuillent le visiter ou qu’ils travaillent dans des entreprises arabophones ; d’autres encore envisagent de s’installer dans un pays arabe. Certains sont des non-arabophones en couple avec une personne d’origine arabe, qui voudraient pouvoir nouer des liens avec leur belle-famille et transmettre cette langue à leurs enfants ; c’est très touchant.
Parmi mes élèves, j’ai aussi eu des personnes qui avaient vécu en Algérie du temps de la colonisation française, qui avaient conservé de nombreux souvenirs de leur enfance, avaient baigné dans la langue arabe et étaient désireux de renouer le lien avec elle.
En guise de conclusion : quels sont vos chanteurs et chanteuses préférés ?
J’aime beaucoup Fayrouz, et aussi les musiques maghrébines que j’écoutais dans mon enfance en Algérie. Je pense notamment à la fameuse comptine d’Azur et Asmar.
Et bien sûr aussi les grands chanteurs et chanteuses d’Égypte, comme Abd el Halim Hafez. Mais ce que je préfère par-dessus tout, c’est la musique classique arabe. Elle me détend !