Regards
Publié le
par
Brigitte Nérou

Entretien avec Élias Sanbar

Tenir tête

L’Institut du monde arabe avait déjà présenté en 2017 et 2018 des pans de la collection du futur Musée d’art moderne et contemporain de la Palestine. Pour le 3e accrochage, « Couleurs du monde » (du 15 septembre au 20 décembre 2020 à l’IMA), hommage à l’un des premiers donateurs, Vladimir Veličković, et carte blanche à l’écrivain Laurent Gaudé. Mais sa spécificité première, rappelle l’ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco Élias Sanbar, à l’origine du projet, c’est que « nous continuions à relever ce défi, coûte que coûte »…

Ce pari, nous continuerons à le relever coûte que coûte, quelle que soit la conjoncture. C’est une donnée capitale, qui montre que notre choix, c’est d’aller dans le sens de la vie et non pas des désastres.

Élias Sanbar
Quelles sont les spécificités de cette 3e exposition à l’IMA ?

Il y a tout d’abord une nouveauté « banale » : cette exposition montre les dernières donations que nous avons reçues. Par ailleurs, elle rend hommage à un artiste décédé récemment, Vladimir Veličković (1935-2019), l’un des premiers donateurs pour la collection. Nous exposons la pièce qu’il nous a offerte, mais également un certain nombre d’œuvres que nous avons choisies dans son atelier, en accord avec sa famille, pour donner une idée de son travail. Enfin, nous avons décidé que nous choisirions désormais, pour chaque exposition, un commissaire invité, chargé de choisir les œuvres selon sa propre sensibilité – en tenant compte du fait que les dernières donations doivent être vues. Cette année, c’est le romancier Laurent Gaudé qui nous accompagne ainsi.
Deuxième point : c’est une spécificité d’endurance, qui est pour moi fondamentale, particulièrement en cette période difficile, volatile, inquiétante par laquelle nous passons. Le fait que, dans cette tempête, nous continuions coûte que coûte, comme nous l’aurions fait en temps normal. Il est essentiel, dans des moments comme celui-là, non pas de s’obstiner, mais de tenir tête : aux courants contraires, aux aléas, aux menaces… Et continuer, c’est la meilleure preuve que ce projet, nous y croyons, que nous y sommes engagés. Dès son lancement, cela fait plus de dix ans maintenant, j’avais dit à quel point il constituait un défi, un pari. Et ce pari, nous continuerons à le relever coûte que coûte, quelle que soit la conjoncture. C’est une donnée capitale, qui montre que notre choix, c’est d’aller dans le sens de la vie et non pas des désastres. Ce n’est certes pas facile ; ça peut même sembler par moments presque irréel de continuer. Mais je sais par expérience que c’est ainsi qu’on tient tête, et ainsi que, au bout du compte, on se retrouve au rendez-vous.
S’agissant de la Palestine, la difficulté est un élément de la permanence. Notre situation, celle de notre peuple, celle de notre cause… : jamais nous n’avons fonctionné dans des conditions normales. Or, avoir appris à fonctionner dans ces conditions d’adversité est un atout : nous sommes habitués aux difficultés. Disons-le honnêtement, c’est fatigant, épuisant même. Il faut du souffle. Mais nous n’avons d’autre choix que de tenir. Et nous tiendrons.

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