Regards
Publié le
par
Haïfa Braïki

La Daronne

de Hannelore Cayre

Comment, de veuve méritante et travailleuse, traductrice au service du ministère de la Justice, en vient-on à devenir vendeuse de cannabis en gros ? Réponse, non dénuée d'humour, dans le 4e roman d'Hannelore Cayre, « La Daronne »… ou comment passer du côté obscur de la loi !

Je me suis beaucoup amusée à me travestir. J’ai opté pour une tenue de blédarde chic : fausses lunettes Chanel griffées noires et dorées, hijab imprimé léopard, khôl et tailleur pantalon avec tunique longue, bracelets dorés (plein) et montre à strass, ongles orange et collants nylon brillants. J’étais méconnaissable. Une femme d’affaires maghrébine très respectable. Un vrai caméléon.

Hannelore Cayre écrit entre 2004 et 2007 trois romans mettant en scène Christophe Leibowitz, avocat commis d’office embarqué dans des histoires plus louches les unes que les autres. Après une tentative d’adaptation cinématographique de son roman Commis d’office, qui est un échec, l’auteure décide de tourner la page et de s'en retourner à son cabinet d’avocate pénaliste en association avec son mari.

Dix ans plus tard, une nouvelle page se tourne : en mars 2017, Hannelore Cayre publie son quatrième roman, La Daronne. L’héroïne, Patience, Viennoise ayant été élevée par un « nounou » tunisien, est une employée modèle auprès du ministère de la Justice. Elle traduit de l’arabe en français des écoutes téléphoniques entre dealers et trafiquants de drogue de la banlieue parisienne. Amèrement surprise par la découverte que l’Etat la payait au black et qu’elle n’aura pas de retraite, Patience devient Madame Ben Barka, la Daronne du peuple de l’herbe magique, cultivée au Maroc, importée en France et chimiquement modifiée avant d’être vendue.

Derrière la fantaisie du personnage se dessinent en filigrane des problématiques bien connues de la société : le travail au noir – y compris dans des instances officielles –, le quotidien peu enviable d’une veuve habituée au luxe, le dilemme d’une génération prise au piège entre des parents âgés et invalides et des enfants que la société infantilise au-delà du raisonnable.

Récompensé par le Prix du polar européen et le Grand Prix de la littérature policière 2017, ce roman se distingue tant par le style que par la personnalité et les frasques du personnage principal, deux ingrédients indispensables pour survoler les clichés ancrés, notamment ceux de la droiture des flics et de la rigueur de la loi.

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