Portraits
Publié le
par
Chloé Ghobril

Chérir sa langue pour la transmettre

Entretien avec Zeinab Asaad, enseignante au Centre de langue de l’IMA

Zeinab Asaad est une jeune enseignante du Centre de langue et de civilisation arabes de l’IMA. D’origine syrienne, cette multidiplômée enseigne avec un même brio les adultes et les enfants. Que souhaite-t-elle leur transmettre avant tout ? Nous lui avons posé la question.

Zeinab Asaad, enseignante au Centre de langue de l’IMA © Alice Sidoli/IMAAlice Sidoli / IMA

Le parcours académique de Zeinab Asaad est loin d’être bref. Elle l’entame par des études en littérature anglaise et le poursuit ensuite en France, à Lyon, avec deux masters : le premier en traduction, afin de mettre son polyglottisme en œuvre, le second en didactique des langues étrangères.
Son emménagement à Paris marque le début de son aventure dans l’enseignement de la langue arabe. Elle devient professeur au sein de différentes institutions, et débute en même temps un doctorat en traduction juridique à l’Inalco puis à la Sorbonne nouvelle.

Vous avez récemment commencé à enseigner l’arabe au jeune public, en plus des adultes. Quelles différences avez-vous remarquées entre les deux ?

Le jeune public présente plus de difficultés que le public adulte. Nous ne pouvons et ne pourrons jamais les traiter de la même manière. Devant le jeune public, il faut non seulement enseigner la langue mais aussi demeurer attentif afin d’éviter certains comportements déplacés : une facette du métier qui ne concerne pas le public adulte, lequel assiste aux cours de son plein gré et avec qui la communication est évidemment plus facile.
Enseigner une personne qui comprend déjà nombreux concepts est plus facile qu’enseigner une personne encore en pleine phase de découverte. Il ne suffit pas de traduire les termes pour les expliquer. Il faut éclaircir leur signification auprès des enfants puisqu’ils n’ont pas encore un vocabulaire pleinement développé.
N’oublions pas, par ailleurs, que derrière chaque enfant inscrit, il y a ses parents. Il faut toujours garder en tête que le résultat de l’apprentissage ne sera pas uniquement évalué par l’apprenant lui-même, mais surtout par ses parents. C’est en quelque sorte une double responsabilité.
Cela dit, enseigner les deux publics en même temps contraint l’enseignant à développer une certaine capacité à raisonner de différentes manières, et double les occasions de discussion avec d’autres enseignants, et donc d’échanges et d’enrichissement !

Entre nous… Avez-vous une petite préférence pour un public plutôt qu’un autre ?

[Rires] Ah ! une question piège… Entre les adultes et les enfants, je penche plutôt pour les adultes. Cependant, je suis consciente du fait que mon impact sur le jeune public soit plus important. C’est eux qui garderont des souvenirs de moi : ma voix, mes manies, mon comportement, mes paroles et même la façon dont je m’habille… Les enfants retiennent énormément d’informations et sont toujours marqués par leur professeur. C’est pour cela que j’essaie de ne jamais être sévère ou trop exigeante tout en les poussant à respecter les autres en les initiant à la découverte de cette nouvelle culture que porte la langue arabe.

Il faut commencer par aimer sa langue maternelle, l'apprécier et la chérir. Être fière de ma propre langue est une évidence pour moi.

Quel conseil donneriez-vous aux parents des apprenants ou futurs apprenants ?

Il faut commencer par aimer sa langue maternelle, l'apprécier et la chérir. C’est capital pour éviter de traverser une crise identitaire à un moment ou à un autre. Être fière de ma propre langue est une évidence pour moi. Ce conseil, surtout aux parents des jeunes apprenants qui ont hérité cette langue et souhaitent la transmettre à la nouvelle génération.
Il faut aussi éviter les préjugés : toute culture est une richesse qui peut être envisagée d’un point de vue très différent par les natifs et les non-natifs.

Vous enseignez aussi dans d’autres institutions. À votre avis, qu’est-ce qui caractérise le CLCA et l’IMA dans ce domaine ?

En quelques mots, le CLCA se caractérise par la relation humaine. L’IMA est la première institution dans laquelle je vois et ressens qu’il y a un travail d’équipe. Ailleurs, les réunions de service sont beaucoup moins fréquentes et régulières. J’ai particulièrement ressenti cette chaleur humaine après le confinement et la pandémie : dans d’autres institutions, les enseignants et responsables ne se croisaient même plus tandis qu’au CLCA, en dépit des circonstances, le travail d’équipe était encore très présent. Nous nous connaissons tous !

Pensez-vous qu’on puisse parvenir par être à l’aise en arabe littéral, même si ce n’est pas sa langue maternelle ?

Absolument. À mon avis, cela s’applique à toutes les langues.
Toute personne qui veut vraiment apprendre une langue a besoin de volonté, mais aussi de passion. Même si la langue qu’elle apprend n’est pas employée au quotidien ni largement répandue, elle reste une langue vivante utilisée dans différents supports écrits ou oraux comme des articles de presse, des films, des séries, des livres, des chansons…

À votre avis, qu’est-ce qui entrave la normalisation de l’enseignement de la langue arabe ?

Selon moi, le premier obstacle est le manque de ressources. Des manuels existent, certes, mais ils ne sont pas aussi répandus que pour d’autres langues. Les réseaux sociaux ont beaucoup contribué à la diffusion de la langue arabe et à sa normalisation ; particulièrement la création de contenu, qui a pu promouvoir l’arabe dialectal considéré comme plus moderne et « décontracté » que l’arabe littéral. C’est ce qu’on trouve parfois un peu difficile : l’arabe littéral a une connotation formelle, d’où la difficulté de trouver des ressources modernes à montrer aux apprenants.

Un petit mot d’encouragement pour clôturer notre entretien ?

L’arabe est une langue mélodique, poétique et surtout dynamique. C’est une valeur ajoutée à n’importe quel parcours.

أن تحب لغتك الأم لتنقلها

مقابلة مع زينب أسعد، مدرّسة فيمركز اللغة والحضارة العربية في معهد العالم العربي.

زينب أسعد معلمة شابة في مركز اللغة والحضارة العربية في معهد العالم العربي.
عاشت زينب في بلدها الأم سوريا، ويبتعد مسارها الأكاديمي كل البعد عن أن يكون مسارًا يسيرًا. بدأت ببكالوريوس في الأدب الإنجليزي ثم تابعت مسارها الدراسي في فرنسا بشهادتي ماجستير: الأول في الترجمة والثاني في تدريس اللغات الأجنبية.
بعد العيش لفترة في ليون استقرّت في باريس، حيث بداية مغامرتها في تعليم اللغة العربية لغير الناطقين بها في مختلف المؤسسات. وبدأت كذلك دكتوراه في الترجمة القانونية في معهد إنالكو ثمّ جامعة السوربون الجديدة.
هل تعتقدين أن مركز اللغة يرفع راية تعليم اللغة العربية في الخارج بجدارة؟
بالطبع! خصوصًا أن باريس لطالما كانت مقصد الفنانين والكتاب والمترجمين العرب كما أن المركز مرجع وبيت من بيوت اللغة العربية في أوروبا. فالفعل في هذه الحالة يوازي الصيت والسّمعة.
أتشعرين بجوٍّ عائلي في مركز اللغة؟
نعم، جو عائلي مُحبّب. فهناك أشخاص من مُختلف البلدان العربيّة في مركز اللغة العربية ما يشكّل فرصة لتبادل الأفكار والتعرف أكثر على المفردات المُستخدمة والتي تختلف بين لهجةٍ وأخرى. فهذه الراحة الموجودة في المركز تُشعرني بأنّني في كنف عائلةٍ وطيدة الروابط ترى الغنى في اختلاف أفرادها وتهتم بالآخر بطريقة إنسانيّة، بالإضافة إلى تنظيم العديد من الحفلات وورشات العمل تجمع الأساتذة والإدارة على مدار السنة.

شعر بمسؤوليّة كبيرة وهذا ما دفعني إلى تدريس اللّغة العربية في الدرجة الأولى. مع إتقاني اللغة الفرنسيّة والإنجليزية كنت أرغب بتقديم وجهة نظر معيّنة عن جماليّة اللّغة وأهميّتها بطريقةٍ تعطيها حقّها

برأيك، ما الفرق بين تعليم الفصحى والدارجة؟
تعليم الفصحى يتطلّب الكثير من التّحضير والتحقق من صحيّة المعلومات لتجنب الوقوع بمطبّ استخدام عباراتٍ خاصّة باللهجات قد لا تكون واضحة لبعض الأشخاص. فتعليم الفصحى يشمل تحمّل مسؤولية كبيرة لا سيما بسبب القواعد التي علينا الالتزام بها. في بعض الأحيان، قد يكون تعليم اللّهجة صعبًا بسبب غياب القاعدة على عكس الفصحى، وبسبب تنوّع اللّهجات في البلد نفسه: فنجد ما هو عام ومشترك بين اللهجات القريبة كاللبنانية والسورية لكن رغم نقاط الشبه نرى أن اللهجة تختلف حسب الموقع الجغرافي فعلى سبيل المثال، سكان الأراضي اللبنانية القريبة إلى سوريا يتكلّمون بلهجة أقرب إلى السورية.
يُمكن الاعتبار أن العاميّة أكثر صدقًا وديناميكيةً لأنها تُستخدم يوميًّا ولوصف أفعالٍ يوميّة.
في النتيجة، يشكل نوعي التعليم صعوبة للمعلّم، إن كان من ناحية كثرة القواعد أو غيابها. 
أتشعرين بمسؤولية أو حمل ما لأنك مدرّسة للغة العربية في الخارج؟
نعم! أشعر بمسؤوليّة كبيرة وهذا ما دفعني إلى تدريس اللّغة العربية في الدرجة الأولى. مع إتقاني اللغة الفرنسيّة والإنجليزية كنت أرغب بتقديم وجهة نظر معيّنة عن جماليّة اللّغة وأهميّتها بطريقةٍ تعطيها حقّها. فالمسؤولية الأكبر لا تكمن فقط في نشر المعلومات وترسيخها في ذهن المُتعلّم، بل تُترجم في دفعه إلى حب اللغة وتقديرها وتشويقه ليتعرّف أيضًا على الثقافات التي تنبع منها اللغة. التعّلق باللغة والسعي إلى تعلّمها واتقانها لا يأتي فقط مع المثابرة، بل يحتاج أيضًا إلى نوعٍ من الشغف.
أيمكنك أن تتحدثي عن مسارك ونمو حبك للغة العربية عبر هذا المسار؟
سمعت يومًا مقولةً تفسر أن المرء لا يستطيع أن يدرّس لغة إن لم يُجد لغته الأم، فكوني مدرسة لغير لغات أيضًا، دفعني إلى زيادة القراءة باللغة العربية والاطلاع على معلومات وأخبار باللغة العربية التي هي لغتي الأم. إضافة إلى ذلك، يفرض علي عملي كمترجمة استخدام لغتي الأم كلغة عملٍ أساسيّة ويجعل مني مرجعًا لها. لذلك، عليّ أن أكون "قد المسؤوليّة". هذا الاندفاع والتوجه نحو استخدام اللغة العربية زاد من حبي لها لا سيّما بعد مغادرة بلدي للعيش في الخارج. قررتُ أن أبقى على تواصل مع اللغة خشية فقدانها وفقدان بعض قدراتي اللغوية، ما قد يؤدي إلى فقدان جزء من شخصيّتي، وانتمائي، وهويّتي.
كلمة أخيرة لتشجيع الناس على تعلم العربية؟
اللغة العربية لغة لم تأخد حقها بعد. فهي لغة موسيقية وشاعرية وفوق كل شيء ديناميكية. إنها قيمة مضافة لأي مسار وعلى الأصعدة كلّها.

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