Transe aïssawa et chaâbi des maîtres
Zine Eddine Bouchaala et Mourad Djaafri
Transe aïssawa et chaâbi des maîtres avec Zine Eddine Bouchaala (soufisme populaire constantinois) et Mourad Djaafri (chaâbi algérois)
Zine Eddine Bouchaala, maître de cérémonie
L’ordre aïssawa remonte au XVe siècle et reste encore extrêmement vivace à notre époque. Il est organisé en une multitude de tâ’ifa (communautés) ou rakb (cortèges), placés chacun sous l’autorité d’un muqaddem « délégué ». Son fondateur, Sidi M'hamed Ben Aïssa, est mort en 1526 et son tombeau, à Meknès, reçoit chaque année au moment de la fête du Mouloud (date anniversaire de la naissance du Prophète), des milliers de pèlerins et des dizaines de tâ’ifa, venus se ressourcer et renouveler le pacte de fidélité.
La tarîqa (voie) aïssawa, présente également dans certaines régions d’Algérie, est un rituel de méditation collective rythmée, devant conduire chaque adepte de la souffrance à la délivrance par une salutaire transe. Zine Eddine Bouchaala, né le 14 janvier 1964 à Constantine, a débuté par le malouf, incontournable dans sa ville natale (son oncle maternel Tahar Fergani en est l’immense incarnation), avant de s’orienter vers l’art soufi. Sa voix en impose et son style sobre dans l’orchestration est apprécié dans tout le pays depuis qu’il a été découvert, en 1990, grâce à des émissions de télévision.
Mourad Djaafri, le titi de la casbah
Encore aujourd’hui, le chaâbi (populaire en arabe) continue de rythmer la vie des ruelles de la casbah d’Alger, son berceau géographique, de certains quartiers de Mostaganem ou de Blida et des venelles de la haute ville de Tizi-Ouzou ou de Bédjaïa. En France, Rachid Taha en avait donné un aperçu par sa reprise de Ya Rayah de Dahmane El Harrachi et l’ensemble El Gusto en a exposé une palette plus large à travers plusieurs concerts et un DVD.
Le genre, inauguré au début du siècle par Cheikh Mustapha Nador qui a su capter et faire fructifier l’héritage du melhoun (poèmes chantés d’origine marocaine), mais aussi les maximes et proverbes algériens, a connu ses véritables heures de gloire à l’aube des années 1940-1950, sous la houlette de El Hadj M’hamed El-Anka.
Ce dernier a d’abord « tapé » la derbouka au sein de l’orchestre de Nador avant de voler de ses propres ailes. Doué d’une clairvoyance peu commune, El-Anka a fondé sa renommée en s’attaquant, lui le montagnard urbanisé, à ce bastion réputé inaccessible qu’était la musique courtisane citadine, longtemps chasse gardée des couches aisées pour imposer un style vif, servi par de nouveaux instruments tels que la mandole, le banjo ou le piano, plus accessible.
Mourad Djaafri, né en 1963 à Alger, est des meilleurs représentants actuels du blues de la casbah. Révélé dans les années 1980, cet artiste, technicien en architecture de formation, possède en plus, grâce à son passage au sein de l’association Essendoussia, la maîtrise de la çan’a (une des écoles andalouses).