Nassîm al-chark (« souffle d’Orient ») est une jeune formation musicale libanaise née de la volonté d’André Msane, luthiste et compositeur, de servir la « musique maqâmienne » en la faisant vivre dans de nouvelles compositions instrumentales. « Souffle », parce que l’inspiration fait l’effet d’une brise apaisante ; «d’Orient », parce que la musique est enracinée dans la matrice orientale, envisagée comme le lieu d’une tradition musicale à la fois bien inscrite dans des codes précis, mais aussi tournée vers d’autres influences.
Cette formation musicale rassemble six musiciens venus du Liban et tous fins connaisseurs de la tradition modale de la musique arabe. Outre André Msane, David Abou Atmeh (qânûn), Joseph Karam (nây), Jihad Harfouche (guitare basse), David Estefan (daff) et Patrick Msane (percussions) ont depuis longtemps percé tous les secrets du nahawand, bayyâtî, hijâz, kurd et autres modes. Pour preuve, ils enseignent pour la plupart la musique au Conservatoire national supérieur de musique à Beyrouth.
Tous les membres de Nassîm al-chark ont mis leur talent au service de ce projet qui refuse de voir la musique orientale modale s’incarner dans un passé magnifié, mais tente plutôt de la faire s’épanouir dans un projet créatif porté vers l’avenir et en contact avec les musiques de son temps. Chacun met ses divers talents à contribution dans le jeu des instruments. Si le luth marque le cœur des compositions, chaque morceau laisse une place de choix à l’ensemble des instruments. Ainsi peut s’instaurer un dialogue à deux voix, des soli d’improvisations, des moments d’exubérance comme des moments de sérénité.
En introduisant le djembé africain et la guitare basse dans le takht oriental, Nassîm al-chark veut montrer que des instruments issus d’autres horizons n’affectent pas la rigueur musicale du maqâm. Alternant compositions de luth en solo et compositions d’orchestre, la musique ne tombe jamais dans le piège de l’académisme. Le nây de Joseph Karam (également compositeur) ajoute une touche soyeuse dans un jeu tout à la fois empreint d’un sentiment de grande élévation et de chaleur. A la basse, Jihad Harfouche ponctue le rythme avec une touche très « jazzy ». L’ensemble des percussions (daff et djembé) de David Estefan et Patrick Msane va au-delà du simple battement de la mesure et accompagne les morceaux en recherchant constamment l’originalité. Au qânûn, David Abou Atmeh sait passer d’improvisations dignes des grands maîtres à des jeux (dans tous les sens du terme), autour des thèmes offerts par chacun des morceaux. Enfin, le luth règne magistralement, soit dans les parties d’improvisations (taqâsîm), soit à l’intérieur des morceaux ; il sait aussi se faire parfois discret pour laisser la composition emprunter d’autres apparats musicaux.
Longas, samâcî et autres taqâsîm n’ont pas de secret pour les membres de Nassîm al-chark, dont la musique, instrumentale pour le premier disque sorti à Beyrouth en 2004, ne manquera pas de se développer dans de nouvelles directions musicales très prometteuses.
Entre les membres du groupe s’est établi un lien fort, qui vise constamment à établir entre le public et la musique un courant, duquel naît une émotion musicale originale, jamais académique, mais toujours puisée dans la capacité des maqâmât à créer l’émotion musicale, le tarab. Ecouter Nassîm al-chark, c’est se laisser surprendre par une légèreté et une fluidité dans la mélodie, ainsi que par un sentiment de profondeur et de grande habileté dans la composition, l’agencement des parties musicales et la maîtrise des moments de création improvisée.