Cette création, conçue par Zahra El Amrani- Porte, native de Marrakech, et mise en scène par Muhammad Sef, a été inspirée par une très vieille légende berbère rapportant les amours contrariées d’une fille de la tribu des Aït Brahim et d’un garçon du clan des Aït Yazza. La coutume, dit-on, n’accepta pas l’union des deux tourtereaux qui, désespérés, remplirent par leurs larmes deux lacs, dénommés tislit (la fiancée) et isli (le fiancé), qu’on peut admirer à Imilchil, à 2400 mètres d’altitude, dans la région d’Errachidia (Tafilalet). Emus par leur triste sort, les descendants des deux tribus se promirent de laisser leurs enfants faire un mariage de coeur. Depuis, chaque année, se tient dans le lieu un moussem (rencontre festive) à triple vocation : religieuse par le recueil sur le tombeau du marabout Sidi Ahmed Oulmaghni, économique à travers une gigantesque foire agricole et matrimoniale, car on peut y échanger des promesses de mariage librement consenti.
Le spectacle commence par une mauvaise nouvelle, annoncée par cet excellent narrateur qu’est Lucien Pineau : Cheikh, le chef berbère de la tribu Aït Hdiddou, apprend qu’un opposant, maître des Andjara, a des vues sur sa région et entend s’en emparer à la faveur des festivités du moussem. Pour conjurer ce danger, Fatna, la fille de Cheikh, propose à son père d’affronter son adversaire en le séduisant par une série de danses, devant aboutir sur un mariage, seule manière d’éviter une guerre à l’issue incertaine. La belle use de toutes les formes chorégraphiques, reptilienne, voile et refus du voile, mêlant héritage berbère et ondulations orientales, sur fond de musiques diverses, pour parvenir à ses fins.
Portée par un takht (petit orchestre de chambre oriental), des chants en arabe et en tamazight, des danseuses virevoltantes et des comédiens au jeu plus solide que spectaculaire, cette comédie musicale puise son originalité dans le rassemblement de plusieurs styles maghrébo-orientaux . E l l e réussit, à travers des liens, symboliques et bien imagés, entre le Nil et les montagnes du Haut Atlas, l’indispensable synthèse entre le passé le plus précieux et la découverte la plus hardie.