Cette création, imaginée par Bernard Abitbol (un passionné de musique orientale) et Anne Benveniste (chorégraphe) mêle chants et danses issus du Maghreb et du Proche-Orient. Elle ne se veut ni historique, ni didactique, ni anecdotique. Elle est porteuse d’atmosphères pouvant suggérer les jalons et les étapes d’un parcours humain mouvementé. Nuit d’Egypte, proche d’une épopée glorieuse et de cultures en avance sur leur temps, retrace le périple des juifs et des musulmans qui, chassés d’Espagne en 1492, se sont réfugiés au Maghreb et au Proche-Orient, avec pour tout bagage leur mémoire musicale, culinaire et architecturale. Cette expulsion avait marqué la fin d’une époque andalouse souvent décrite comme un Eden terrestre. Bien entendu, elle met en avant l’art chorégraphique oriental, en solo ou en duo, qui s’est développé en Egypte sous des formes populaire et classique. Soit l’expression féminine par excellence d’une expérience humaine ancestrale et universelle, rejoignant d’autres disciplines orientales comme les arts martiaux ou le yoga, synonymes elles aussi d’enracinement, de puissance du bassin ou de notion de «centre».
C’est dire que Nuit d’Egypte ravive une tradition très riche de musiques et de danses, en s’ouvrant à une perspective de création. Sous la direction d’Adel Shams El Din, virtuose de la percussion, six musiciens se répondent sur scène et accompagnent le chant et la danse. Une grande place leur est accordée pour exprimer leurs sensibilités au sein du groupe, tant dans les oeuvres communes que dans les solos improvisés.
Les styles de danse, classique ou populaire, se succèdent, reflétant tour à tour mélancolie, joie et exubérance dans un esprit toujours très festif. Le sha’bi, danse traditionnelle rurale, et le baladi, danse populaire d’improvisation, côtoient un genre plus classique, le sharqi, où se mêlent compositions tirées du répertoire d’Oum Kalsoum ou de Mohamed Abdel Wahab et chansons plus récentes. Au programme également, mouwachchah et malouf tunisien, une des écoles arabo-andalouses, interprétés par la chanteuse Khadija El Afrit, s’accompagnant elle-même au qanoûn (cithare typique), et improvisations, sous le signe de l’antique Bétique, prestement délivrées par le violoniste Rachid Brahim Djelloul.
Les pièces sont dansées en solo ou à deux et chorégraphiées ou improvisées selon l’inspiration des danseuses et des musiciens qui se retrouvent dans une rencontre complice. Empreint de nostalgie, mais non dénué d’humour et d’énergie créatrice, ce spectacle haut en couleurs est aussi et surtout partage d’émotions, de rêveries ou d’éblouissements générés par des chants, des mélodies et des danses arabes puisés aux meilleures sources.