Terminé
07 mai08 mai 2004

Mélodies du Saba

Les musiques classiques et populaires yéménites tiennent une place particulière chez ce peuple de tradition millénaire. Au pays de la reine de Saba, la vie est rythmée par la musique. L’élite intellectuelle, les marchands du souk de Sanaa, tout en vendant du henné et des girofles, écoutent de la musique. “La musique classique pour les Yéménites est comme l’opéra pour les Italiens”, précise Jean Lambert, ethnomusicologue, spécialiste des musiques yéménites. Cette musique classique et savante est en réalité considérée comme une musique populaire par les Yéménites. Les séances de musique ont lieu les après-midi. Tout en mâchant le qât (herbe hallucinogène que les Yéménites mastiquent du déjeuner jusqu’au soir), les jeunes et les vieux se réunissent en famille ou entre amis autour d’un instrumentiste et le regardent jouer et chanter. C’est pourquoi, aujourd’hui encore, les jeunes de ce pays jouent du luth, chantent la musique yéménite et les mélodies égyptiennes des années 50, au contraire des pays avoisinants, envahis par la musique de variétés arabe ou par le raï.
On distingue dans la musique yéménite quatre grands genres. La musique citadine classique, récente ou ancienne, se compose de chants accompagnés par le luth. Elle connaît des variantes selon les quatre grandes régions du Yémen : musique classique ancienne de Sanaa, semi-classique d’Hadramaout, musique de la région de Lahej, près d’Aden, musique des années 30, et enfin musique des années 50 à Aden, dont le style est influencé par l’histoire de cette ville. La musique populaire villageoise, elle, est purement vocale. Elle est parfois accompagnée par quelques percussions sur lesquelles hommes et femmes dansent ensemble (ce qui est inimaginable dans la zone urbaine d’aujourd’hui). Il s’agit essentiellement de chants pour le travail ou de danses et de chants guerriers. La musique populaire de fête villageoise est jouée par un orchestre composé d’instruments à vent, comme le mizmâr et la flûte. Enfin, la musique religieuse prend deux formes : le chant a cappella comme l’appel à la prière, citation du Coran, hymne religieux pour le mariage, ou bien le chant accompagné par le târ et daff (tambours sur cadre) comme le chant soufi et le madahi.

D’après Jean Lambert et Mina Rad

Taqiyya al-Tawiliyya, les femmes de Sanaa
A Sanaa, haut lieu de la culture yéménite, Taqiyya al-Tawiliyya est la seule chanteuse soliste à avoir fait une carrière publique. Elle a débuté en chantant dans les mariages, de manière traditionnelle, accompagnée d’une ou de deux percussionnistes. Mais pour devenir célèbre et passer à la radio, elle a dû se battre contre les préjugés et imposer sa propre vision sociale et artistique à une société masculine jalouse de ses privilèges.

Fatima ‘Awad, les femmes du Hadramaout
Soliste vocale, ancienne enseignante devenue artiste après la disparition de son mari, Fatima anime un groupe de femmes percussionnistes et de danseuses, les Shârihât de Shihr (Hadramaout, Yémen). Sur la côte de l’océan Indien, ces chants et ces danses montrent que le Hadramaout est un carrefour d’influences entre l’Afrique et le monde arabe. Fatima ‘Awad nous apporte la grâce féminine propre à ce métissage.