Située sur les premiers contreforts du Rif, la ville de Chefchaouen est le centre d’une riche tradition musicale, dont l’expression majeure est la hadra (littéralement : présence). Pratiquée au sein des confréries soufies, la hadra comporte invocations, louanges et prières chantées, devant conduire l’adepte à un état d’extase (wajd), voie royale vers une communion avec la « présence » divine. Cet art se manifeste à l’occasion des moussem et autres festivités, tel que le Mouloud (anniversaire de la naissance du Prophète).
Remontant au XVIe siècle, la hadra de Chefchaouen est l’apanage de l’Ordre prestigieux des Bekkaliya. Sous la direction du maître Sidi Ali Hadj Bekkali, notamment, cette confrérie a légué tout un répertoire de chants populaires et mystiques (le samâ), composés par des maîtres de la tradition classique arabo-andalouse.
Personnalité consacrée de cette lignée, rattachée à la zawiya (lieu de réunion d’une confrérie) Bekkaliya, Cherifa Lalla Hiba Bekkaliya a transmis l’héritage à Rhoum. Fille d’un cheikh, diplômée en musique arabo-andalouse (chant et oud), Rhoum El Bakkali dirige aujourd’hui un groupe de jeunes filles, âgées de 15 à 22 ans, baptisé du nom de Akhawat Al-Fane Al-Assil (les « Sœurs de l’art originel »). Boudant les soirées de mariages, en raison de leur caractère « profane », l’ensemble se produit dans de nombreux festivals, au Maroc (Festival de musique sacrée de Fès, Festival Tarab de Tanger, Festival Mawazine de Rabat), comme à l’étranger : de Paris (Institut du monde arabe et Cité de la Musique) à Jakarta (Festival de musique soufie), en passant par Barcelone (Auditorium), Milan et Turin, Bruxelles (Palais des Beaux-Arts) et Konya (Festival de musique soufie), en Turquie.
(D’après Laurent Aubert, directeur des ateliers d'ethnomusicologie de Genève – ADEM).