Si la composition de nouvelles pièces est chose courante dans la musique savante du Machreq, elle est en revanche taboue dans le Maghreb : depuis le XIXe siècle, aucune grande oeuvre de musique dite arabo-andalouse n'a été composée. Après de longues décennies de silence, nous assistons aujourd'hui à une, voire plusieurs expériences de composition partielle dans ce domaine, qui sont parfois le fait de personnes étrangères à la tradition musicale. Ajoutons-y des expériences de recomposition, c'est-à-dire de transfert d'un savoir-faire musical d'une tradition locale à une autre. Telle est, depuis 2004, la démarche de Taoufik Bestandji, l’un des plus grands noms de la musique arabo-andalouse, spécialiste du malouf. Des pièces musicales déplacées de leurs ancrages originels sont interprétées, réaménagées et adaptées en un va-et-vient entre les malouf algérien et tunisien. L’analyse et le traitement des différents matériaux mélodiques, rythmiques et esthétiques a permis de recomposer les données musicales de ces répertoires avant de les interpréter. Une telle opération n’était possible qu’avec la collaboration de musiciens appartenant aux deux traditions musicales. Pour l’élaboration de ce spectacle, Taoufik Bestandji, au chant et à l’oud maghrébin, s’est ainsi entouré de musiciens tunisiens professionnels et chercheurs en musicologie : Jasser Hadj Youcef (violon), Yacine Ayari (flûte nây), Khadija el Afrit (qânun), Mohamed Nabil Saied (oud), Mohamed Abdelkader Ibn Haj Kacem (percussions). Un concert qui suscite une belle curiosité et l’occasion de démontrer que l’analyse de la recomposition est l’indispensable prélude au premier temps de la composition.