Les 100 abris s’est imposé à Slimane Habès après sa lecture très émouvante de Mendiants et orgueilleux de l’écrivain égyptien Albert Cossery. Ce spectacle n’est certes pas une adaptation chorégraphique du roman, mais l’expression " du sentiment que lui en a laissé la lecture : sentiment que la pauvreté est bien plus qu’un état de désespoir matériel, mais une épreuve de l’âme et un questionnement essentiel de l’humanité ". Le chorégraphe s’assume comme provocateur et affirme que les 30 millions d’Algériens sont pris en otage dans leur propre pays. Sa chorégraphie est une métaphore de l’errance de ce peuple et un hommage à ses compatriotes déchus, sans logis, perdus, contraints de dormir le jour pour rester éveiller le nuit en prévision d’une éventuelle agression nocturne.
Les 100 abris raconte la rencontre de sept inconnus qui prennent la décision de se retirer du monde pour créer un microcosme dont la règle de vie est de rire de soi. Slimane Habes se souvient de l’époque où les Algériens rompus à la peur après les exactions islamistes de 95, décidèrent de rire de ce qu’ils vivaient. Il a été frappé par ce choix de l’autodérision comme exutoire ; son spectacle alterne des passages chorégraphiés avec des scènes quasi théâtrales qui frôlent le grotesque et la caricature. Les chants berbères entonnés par les danseurs, résonnent comme une lamentation mélancolique, un cri aux accents de blues.
Slimane Habes a mené son expérience chorégraphique à Batna, une ville entourée de montagnes à 600 km d’Alger. Il a su défier la dureté du regard des femmes étouffées dans cet Aurès millénaire, débusquer les rêves utopistes de ses jeunes danseurs en proie à l’isolement le plus total et mobiliser les ressources créatrices nécessaires à sa conception de la danse contemporaine : la foi en ses richesses intérieures et en son propre corps.
Slimane Habes présentera des extraits des 100 abris au Festival DANSEM les 3 et 4 octobre 2003, dans le cadre de son accueil studio au Ballet national de Marseille.
Chorégraphie : Slimane Habes
Interprètes : Nabil Zoureg, Ryad Mahmoudi, Khadidja Guemiri, Hafed Taleb (Chant), Mustapha Bouaraz, Samah Smida, Lazhar Tiri
Musique : Rachid Madani
Lumières : Mourad Mohamed El Arbi
Slimane Habes
De formation classique, Slimane Habes intègre le Ballet National Algérien en 1993 et part en tournée dans plusieurs pays. Il est sélectionné ensuite par Ricardo Nunez et David Brown qui l’initient à la danse contemporaine ; dès lors, il s’adonne à cet art inconnu en Algérie et fonde sa propre compagnie Taabir en 1994 avec l’ambition de développer cette forme d’expression dans son propre pays. En 1997, il produit une comédie musicale qui reçoit le Prix spécial du Jury au 9e Festival du théâtre expérimental du Caire et en 1998 danse avec le chorégraphe Imad Djamaa au Festival Montpellier Danse. Il se consacre aujourd’hui à son métier de chorégraphe et se bat pour créer des chorégraphies contemporaines en Algérie.