Terminé
07 décembre10 décembre 2005

Kuravane

Rares sont les artistes qui mènent de front, et avec maestria, une carrière de danseur et de musicien. Raghunath Manet en est l’un d’eux. Couronné par la critique indienne, il représente à lui seul la forme masculine du Bharata Natyam, danse classique de l’Inde du Sud. Il est l’un des rares danseurs « homme» à perpétuer la tradition tandava (expression virile de Shiva, le Dieu danseur). Pour Raghunath, il ne s’agit pas seulement de contribuer à la sauvegarde d’une tradition, mais aussi et surtout d’enrichir le répertoire en explorant de nouvelles formes d’expression. Après l’immense succès obtenu par Pondichéry, ce « danseur qui tutoie les Dieux» nous revient avec un nouveau ballet tourbillonnant intitulé Kuravane, en hommage à ces manifestations, dites kuravanji, initiées autrefois par une caste de gitans, appartenant à la tribu des Kuravan, et au cours desquelles plusieurs danseurs exécutaient des ensembles. Ces spectacles, populaires à partir du XVIIe siècle, et très en vogue dans l’Etat du Tamil Nadu, notamment dans les cours des Maharajas, étaient donnés chaque année lors des festivals annuels des temples. Ainsi, plusieurs kuravanji avaient été composés sous le règne des Maratthas (Tanjore, XVIIe siècle). Dans le sud de l’Inde, chaque temple avait ses propres danseuses, danseurs, maîtres de danse et musiciens.

En général, dans les scènes de kuravanji, le thème principal des drames dansés tourne autour de l’amour de l’héroïne pour son roi ou pour la divinité du temple auquel il est dédié. L’histoire est assez simple : l’héroïne tombe amoureuse du héros (ou du Dieu qui passe en procession sur son cheval blanc à travers les rues du temple) dès son premier regard. Elle se retire et se lamente. Elle ne supporte ni la lune ni la brise et encore moins le chant des coucous. La saki, ou la compagne, arrive et elle sera sa messagère dans sa quête du Dieu. Pendant ce temps, elle voit arriver la kuratti, une voyante gitane, à qui elle demande de lui prédire son avenir. La kuratti lui annoncera que tous ses rêves se matérialiseront et la pièce se termine lorsque le songe se transforme en réalité tangible.
L’histoire de son amour, avec son cortège d’exaltation, de séparations et de retrouvailles, vont nourrir la créativité des poètes, des peintres, des danseurs et des musiciens. Raghunath Manet réhabilite ce drame et le réinvente par ses chorégraphies modernes indiennes pour lui octroyer une étonnante modernité, convaincu que l’amour reste bien la préoccupation essentielle de notre existence.