
Samedi 16 juin 2012
Hip hop, souffle des Aurès et tempo sétifien avec Réda City 16 (rap), Ithren (pop rock chaoui), et Khalass (sétifien)
Le rap-raï n’ b décontracté de City 16
Parmi les artistes algériens les plus populaires dans le domaine du hip hop, on retrouve Réda alias City 16, en référence au numéro départemental du secteur « A », comme Alger, où il a vu le jour.
Son père le rêvait en militaire mais Réda, dès l’âge de 10 ans, n’avait d’oreille et d’yeux que pour la breakdance et les déhanchements de Michael Jackson, découvert à travers les chaînes françaises et anglo-saxonnes captées via la parabole. Au milieu des années 1990, Réda commence à écrire ses propres « lyrics » (textes dans le jargon rap), mais, avant de les exploiter, il préfère démarrer par une version rap du Chebba de Khaled. Il enregistre, à son compte (de l’argent acquis en vendant sa chaîne en or et quelques bijoux de sa mère), le titre chez les Frères Torki et le sort sous forme de mix-tape. Il fait le tour des maisons de disques sans résultat, puis a l’idée de faire écouter le morceau à Chatrane, l’animateur vedette de la radio FM El Bahdja. Ce dernier, séduit, le diffuse et le standard explose. City 16 est né et on l’entend à la fréquence de dix à douze passages par jour sur les ondes. Chebba tombe dans les oreilles de M.Ouarab, le tout-puissant patron de Cadic, l’équivalent d’une major en France, et celui-ci finit par rencontrer Réda et le signer pour divers albums qui l’installent durablement dans le paysage musical algérien.
Ithrene, les étoiles pastorales
A l’Est de l’Algérie, au milieu du majestueux massif berbérophone des Aurès, il y a eu du nouveau, en musique, à partir des années 1980. Jusque-là peu connues du reste du pays, les mélodies chaouias (chaoui signifie pasteur dans le sens agricole du terme), hormis celles d’Ali El Khencheli, Beggar Hadda et surtout Aïssa El Djarmouni (premier artiste maghrébin à s’être produit à l’Olympia de Paris, en 1917), étaient confinées dans leurs limites régionales. Des jeunes groupes, guitares électriques à l’appui, sur un rythme local proche du reggae, la feront habilement sortir de ses réserves. Il y eut Katcho, Massinissa, Les Berbères et voici Ithrene (les étoiles en tamazight), originaire de la ville d’Oum El Bouaghi, et leurs « remixages », sous forme jazz, pop et rock, du patrimoine ancestral. Après une reconnaissance locale, les cinq musiciens qui forment le groupe se signalent dans plusieurs festivals dédiés au rock (Tizi-Rock, Festivals d’Annaba, de Bédjaïa et de Timgad) et gagnent progressivement en audience nationale. Depuis, leurs rythmes fiévreux, leurs mélodies entêtantes et leurs chants dynamiques leur ont valu de rejoindre sur le podium les groupes les plus en vue de la nouvelle scène algérienne.
Khalass, le choc du tempo sétifien
Bordée par les monts du Hodna, où vit la fameuse tribu des Ouled Naïl, frontalière avec la Kabylie et proche du massif des Aurès, ainsi que des premières portes du désert, « la haute » comme on dit, occupe une position géographique privilégiée qui n’est pas sans influence sur son patrimoine culturel. Cela se ressent, en particulier, dans la musique qui, à Sétif, rime avec festif au niveau rythmique et vif sur le plan chorégraphique. Désignée sous l’appellation « staïfi » ou « sraoui », c’est un compromis entre la mélodie « chaouïa » (Aurès) et le tempo bédouin, agrémenté d’apports kabyles, tunisiens et raï. Les thèmes les plus récurrents en sont le mal du pays, un sujet beaucoup abordé par le précurseur Nourredine Staïfi, résidant à Chambéry et prématurément disparu en 1950, les amours contrariées, les charmes régionaux ou le déroulé d’une fête de mariage ou de circoncision. Confiné dans les limites des Hauts Plateaux, le chant sétifien, enrichi par des instruments modernes, a pris de l’ampleur à partir des années 1990, en même temps que la chanson des cousins des Aurès. Incontournable dans toute fête locale, il s’est définitivement imposé dans le paysage musical algérien grâce à des stars comme Samir Belkhir, Rabah Staïfi, Samir Staïfi et Khalass, la star du genre.
Ikhlass Brahimi, dit Khalass, est la star incontestable de ce genre musical, baptisé staïfi qui suscite un engouement particulier chez les jeunes. Ce style est caractérisé par un rythme chaud, avec une invitation irrésistible à la danse. Originaire de Constantine, Khalass s’est imposé grâce à des qualités vocales exceptionnelles, puisées dans l’art de la psalmodie du Coran.