Le grand public a découvert ce groupe, fondé au milieu des années 1990, à travers la scène qui semble être son habitat naturel. Ils sont douze comme les apôtres, mais quand ils se mettent en mouvement, on croirait qu’ils sont possédés par le démon de minuit. Seraient-ils de connivence avec le diable comme ils le clament, dans une reprise gnawa-rock du Sympathy For the Devil des Stones ? Très certainement, si on se réfère à ce tempo d’enfer qui est leur marque ou à cette démarche tout feu tout flamme lorsqu’il s’agit de revisiter le patrimoine maghrébin.
Dans son dernier opus, Alik, ce groupe à la force de frappe scénique exceptionnelle effectue un retour aux sources live et aux souvenirs à la fois rock et bled music. A travers ce troisième album, longtemps attendu et donc longuement préparé, l’ONB rappelle qu’ils n’a en rien perdu de son énergie et de son imaginaire musical.
Il fait surtout revivre, de manière tonitruante et subtilement arrangée, bien des morceaux puisés dans la culture de l’exil. Chez lui, le standard Carte de résidence, écrit par le regretté Slimane Azem, sort de sa torpeur originelle pour prendre des allures oscillant entre zouk et rumba zaïroise, teintée de m’balax. Autres exemples : l’aimable Civilisi du citadin bédouin oranais Cheikh Mamachi est pris d’une frénésie rock tout en gardant un accent raï des champs, tandis que le farceur La Rose, chanté naguère par Mohamed Mazouni, le yéyé immigré algérien des années 1960-1970, pourrait faire les beaux soirs d’une guinguette clandestine sur la Marne.
Il est utile de rappeler que nos douze garçons dans le vent ont, en plus de leur héritage oral des racines, des acquis pop-rock, vu des dizaines de fois chaque film d’Elvis Presley ou des must comme 2000 Motels, featuring Frank Zappa, collectionné les vinyles de Led Zeppelin ou Deep Purple, décortiqué les LP des Creams et de King Crimson, ou dansé en boîte, à Alger, Oran, Casablanca, Marseille ou Paris sur la crème des tubes « métalliques ».