Terminé
16 avril 2005

Entre racines et devenir

avec Iness Mezel

Quatre ans après un premier disque, « Wedfel » (Naïve, 1999), qui nous avait révélé un combo aux mélodies et voix tout en finesse et en nuances, Iness Mezel s’en est revenu avec une world kabyle ni vraiment la même, ni tout à fait une autre. Si le premier opus avait donné la part belle aux airs du terroir, agrémentés de quelques épices noires africaines, jazzy ou latino, celuici brille de mille feux folk kabyle, rumbesque et r&bisant.
En ouvrant Lën (distribué par Nocturne) par Edjtar (Laissez-nous en paix), Iness, la voix principale, Nora Abdoun la percussionniste et d’autres camarades comme le fulgurant bassiste Etienne Mbappé, ont choisi de nous séduire instantanément. Le morceau, au propos engagé contre l’étroitesse d’esprit, frétille par sa guitare en « tourneries » et revivifie par ses élans festifs. Quant à Aker (Debout), qui secoue les mentalités figées, il n’est pas sans évoquer, par ses structures rythmiques, le meilleur d’une Aretha Franklin. On ne reste pas non plus indifférent à la douceur de Yemma (Mère), harmonieuse dans ses tons et bouleversante dans son expression vocale.
D’une manière générale, Iness Mezel présente des mélodies dont la lumière, le dynamisme et l’énergie accompagnent les subtilités de la langue tamazight. Iness, née d’un père issu du Djurdjura et d’une mère Franco-Italienne nous révèle, grâce à la richesse de sa voix chargée d’émotions, les secrets d’une Afrique berbère, urbaine, aux fortes impressions afrojazz, y incarnant un état d’esprit et un style résolument modernes et ouverts sur le monde, libérée de ses traditions. Rappelons qu’après des études musicales classiques aux côtés de Nicole Maison pour le chant lyrique baroque, Sara Lazarus pour l’improvisation jazz, Elik Tara pour le chant africain et Tamia pour le chant classique et contemporain, Iness Mezel a orienté son travail de composition vers l’ouverture de l’espace harmonique (la gamme pentatonique est très souvent utilisée en musique traditionnelle berbère) et a opté pour une conception polyrythmique des arrangements, engageant ainsi la musique de ses racines vers des horizons inédits. En 1998, Iness a été distinguée par les prix de la meilleure chanteuse d’Afrique et de la meilleure artiste d’Afrique du Nord lors des Koras All Africa Music Awards, sorte de Victoires de la musique qui ont lieu chaque année à Johannesburg.