Terminé
19 mai20 mai 2006

Chants soufis des derviches de Sarajevo

Anciennement nommé Neshidu-l-Huda , l’ensemble Ibn Arabî, fort de quinze membres pour sa venue à Paris, va faire retentir à l’IMA les plus beaux qasîqa et ilâhiyya, si chers aux derviches de la confrérie Nakshibandi, une des plus anciennes qui soit sur les terres de Bosnie-Herzégovine, depuis son islamisation à la fin du XVe siècle.

La conquête ottomane de la Bosnie, en 1463, s’est accompagnée de son islamisation, nourrie par l’installation de soufis, cheikhs et derviches de différentes confréries. Sarajevo compte alors de nombreuses et très actives tekiyye (ou zawîya dans le monde arabe), lieux de réunion pour les derviches, qui ont fait vivre jusqu’à aujourd’hui la confrérie Nakshibandi, qui atteignent leur âge d’or aux XVIIIe et XIXe siècles. C’est à cette période que les fidèles issus de toutes les couches de la société se multiplient, faisant de cette dernière une des plus influentes et des mieux représentées. Certaines tekiyye vont rayonner par leur enseignement spirituel, mais aussi grâce aux chefs religieux qui les guident, parmi lesquels on peut citer cheikh Hussein-baba Zukic, qui a reçu son éducation à Istanbul auprès du grand chef religieux Hafiz Nur Mehmed al-Hisari, ou encore cheikh Abdurrahman Sirri-baba.

En plus de l’enseignement basé sur le Coran et la Sunna, les ordres soufis développent alors leurs propres traditions, dont les expressions les plus diverses se traduisent plus particulièrement dans les rituels du zikr et du mawlid. Pour le zikr, les mystiques musulmans (derviches, soufis), les « amoureux de Dieu », se rassemblent plusieurs fois par semaine en tournant ou en se penchant de droite à gauche, et en invoquant les noms de Dieu. Ils tentent de retrouver l’Absolu dans leur cœur et cherchent à s’unir avec Dieu — la Vérité, la Beauté. Le mawlid, quant à lui, correspond à la célébration de la naissance du Prophète. Le rituel s’amorce avec une lecture psalmodiée de l’événement, entrecoupée de prières et de chants (ilâhiyya). Selon les circonstances, la fête peut s’achever par des conversations, des lectures et le partage de mets. Le mawlid est aussi un long poème religieux qui sert de prière au Prophète. Ce texte sera traduit du turc seulement au XIXe siècle pour que la population puisse le réciter dans sa langue maternelle.

En dépit du régime communiste et de la guerre, les soufis de Sarajevo ont gardé intacte leur foi dans la transcendance de l’être humain, grâce au divin. Malgré l’interdiction du zikr en Bosnie entre 1943 et 1979, date de réouverture des tekiyye, ils ont pratiqué leurs rites clandestinement dans des maisons privées. Ce qui leur a valu d’être poursuivis et opprimés à la fois par les autorités religieuses locales et le pouvoir communiste.

Constitué en ensemble vocal depuis 1984, l’ensemble Ibn Arabî a dû attendre la fin des hostilités dans la région des Balkans pour faire entendre ses voix lors de grands festivals de musiques sacrées, aussi bien en Suisse, en Espagne, en France, en Italie, en Angleterre qu’aux Pays-Bas.