D’un pays à l’autre, d’une langue à l’autre, d’une musique à l’autre, l’extraordinaire faculté d’adaptation des Tsiganes semble défier le temps. La société gitane n’est pas un monde sans lois. Elle est le produit de l’évolution d’une organisation ancestrale qui a façonné dans tous les domaines une petite civilisation unique. Les gitans de Perpignan ont cessé de s’exprimer en caló (un dialecte/langue tsigane) depuis plusieurs décennies pour adopter presque exclusivement un catalan ou un espagnol dans lequel subsistent des termes issus du long voyage des Tsiganes de l’Inde à l’Andalousie. Littéralement, Tekameli veut dire « je t’aime » en ancienne langue des Gitans d’Espagne. Avant tout, le parcours de ces musiciens est l’histoire de rencontres entre voix formidables : à celles des frères Espinas - Moïse et Salomon - s’est jointe celle de Julio Bermudez ainsi que la basse de Jean Soler. Ensuite, ce sont les guitares de Jose Poubill et Patrick « Llep » Baptiste qui sont venues broder dessus de brillants motifs d’accompagnement. Formé au début des années 90 à Perpignan, Tekameli possède un répertoire composé de cantiques, chantés dans les assemblées de l’Eglise évangélique, église qui fédère la majorité de la communauté gitane de Catalogne. En 1994, un premier album paru chez Long Distance sous le nom de Tekameli, Chants religieux gitans, présente pour la première fois ces interprétations au grand public. A travers leur musique, ils réalisent une synthèse, à la fois festive et religieuse, des traditions de la Méditerranée occidentale. Les Gitans de Perpignan font de la musique comme ils respirent. Tekameli aussi. Leur univers ensorcelant s’offre à l’auditeur dès la première note. C’est de l’art pur, noble, ouvert sur une instrumentation inhabituelle et sans concessions, qui remue les corps et les âmes. Ferveur et émotions se transmettent progressivement à l’assistance, emportée par l’âpreté des chants et cette religiosité enflammée. Très vite, le sentiment religieux et le sens de la fête, mêlés aux guitares et aux vocalises du violon, font vibrer à l’unisson le public.