Le cercle de l’extase
Noureddine Khourshid et les derviches tourneurs.
Né à Damas en 1966, Noureddine Khourshid est le fils du cheikh de la confrérie soufie la tarîqa châdhiliyya, (confrérie religieuse de Damas). Il accompagnait son père aux cérémonies de dhikr ayant lieu dans la zâwiya et aux fêtes célébrées à l’occasion de mawlid (anniversaire de la naissance du Prophète) et laylat al-qadr (la Nuit du destin). Au sein de la tarîqa, il a reçu l’enseignement du Coran, du fiqh (la jurisprudence islamique) et une formation dans l’inshâd (chant religieux). Il a été remarqué très tôt pour ses aptitudes vocales et musicales parmi ses confrères, ce qui l’a poussé a fonder en 1987 une troupe spécialisée dans l’interprétation des madâ’ih nabawiyya (chants panégyriques à la gloire du Prophète). A Damas, il reçoit également une éducation musicale, afin d’approfondir l’art des maqâmat, un genre littéraire arabe classique, développé au Xe siècle et composé de récits courts et indépendants en prose rimée avec des insertions de poésie. Noureddine Khourshid a été initié au répertoire des muwashshahât (poèsies arabes strophiques) dans lesquelles la Syrie s’est distinguée depuis des siècles. Ce répertoire de poésie chantée enrichit d’une manière considérable ceux des diverses confréries syriennes et arabes. Cet ensemble réunit dix munshid ou hymnodes venant de la tarîqa châdhiliyya, et six danseurs membres de la tarîqa mawlawiyya, mieux connus sous le nom de derviches tourneurs. Distingué par le sérieux de son travail et une interprétation limpide, l’ensemble a été invité à participer à plusieurs manifestations à travers la Syrie, au Liban et en Jordanie. La tarîqa chadhiliyya est l’une des voies soufies les plus importantes dans le monde arabe. Elle est fondée sur l’enseignement et l’autorité spirituelle du grand mystique marocain Abû l-Hasan al-Chadhili qui s’installa à Alexandrie en Egypte où son enseignement rayonna sur tout l’Orient et le Maghreb. La tarîqa mawlawiyya tire son nom de Mawlânâ Djalâl al-Din al-Rûmî, maître spirituel et fondateur de la confrérie. A côté du dhikr, ce rituel commun à tous les ordres soufis, Rûmî a instauré la célèbre danse giratoire des disciples. Cet ensemble vocal est accompagné rythmiquement par deux daff joués par deux hymnodes. Le chant religieux, l’inshâd est un répertoire qui comporte des invocations, des glorifications et des louanges divines, des prières, des éloges au Prophète, le récit de sa naissance et de sa vie (al-sîra) son voyage et son ascension nocturne al-isrâ’ w-al-mi’râj, ainsi qu’un grand nombre de poèmes soufis. Parmi les poètes mystiques les plus chantés, figurent Ibn al-Fârid, al-Nâbulusî, al-Bûsîrî auteur du célèbre poème al-Burda, etc. Ce qui peut distinguer ce répertoire religieux des autres, c’est d’abord le texte, puis l’absence des instruments mélodiques dans celui-ci, une absence qui valorise la voix solo et collective. L’inshâd se base sur l’art musical des maqâmât et des naghamât (mélodies). Il se réalise à travers différentes formes vocales : le muwashshah et la qasîda. Appuyé sur un thème initial chanté par tout l’ensemble, le muwashshah religieux évolue dans une forme mesurée structurée par un cycle rythmique. Cette forme est composée de plusieurs couplets que le soliste principal enrichit avec des variations improvisées, et des colorations modales dans un jeu de réponse avec le chœur. La qasîda est une improvisation vocale sur un éloge en vers. Son développement mélodique est réalisé en exploration d’un maqâm, développé par étapes à travers différents modes musicaux. Le rythme de la qasîda est généré par le « mètre poétique » inhérent à la structure du vers. Le qadd est un chant à mi-chemin entre la chanson à refrain et le muwashshah savant. Alternant avec un refrain, son rythme est dansant. Au-delà de la logique musicale et stylistique, il convient de souligner le lien spirituel de tous ces chants qui est en un mot l’élan d’amour vers le Divin.