Le sol d’Anatolie, où se croisent de nombreux héritages artistiques d’Asie centrale, est depuis des siècles le champ fertile de diverses traditions musicales, sacrées et profanes, et des contes, deux piliers de la culture populaire turque.
Anciennement nomade, le peuple d’Anatolie comptait au XIe siècle de nombreux bardes musiciens, les ozan. Ils semaient et recueillaient au fil de leur marche, de l’est de la Turquie jusqu’en Anatolie, chants, danses et prières de différents horizons. Trois siècles plus tard, une fois le processus de sédentarisation déjà bien entamé, les bardes, alors dénommés asik, continuèrent à perpétuer cette tradition orale, offrant ainsi à l’histoire le riche métissage de la musique turque.
Ce vaste plateau demeure la plaque tournante des musiques, des confréries et des mouvements soufis. Aujourd’hui encore, les chants et les danses se comptent par milliers et témoignent d’une étonnante diversité : litanies propices à l’élévation, chansons dansées et airs de fêtes, chants zeybeck ou alevis, l’éventail est varié, à l’image de la mosaïque ethnique et culturelle du territoire. Accompagnant l’homme dans sa vie quotidienne, les poèmes et les chants, souvent anonymes, sont transmis oralement en langue populaire. Ils content la joie, le malheur et le labeur, célèbrent la nature et les saisons, relatent les légendes, l’exil, mais aussi l’extase et l’amour…
C’est dans ce creuset musical, empli de chansons cueillies dans toute l’Anatolie, que Gülcan Kaya puise son répertoire. Elle crée par sa voix pleine et entière un décor fidèle à la tradition. Les spécialistes disent de sa voix qu’elle ne ressemble à aucune autre, et que son interprétation toute personnelle reste néanmoins fidèle à la tradition.
Née en 1969 dans la province anatolienne d’Erzincan et remarquée dès l’école primaire pour ses talents musicaux, elle étudie le chant au conservatoire de musique turque avant de commencer une carrière de soliste à la radio d’Istanbul. En 1996, la chanteuse soutient une thèse sur la place des femmes dans les chansons populaires (türkü) d’Anatolie. En plus de ses tournées à travers le monde, Gülcan enseigne la musique, produit des émissions télévisées ou radiophoniques consacrées à la chanson populaire.
Cette artiste à la voix singulièrement envoûtante sera entourée sur scène de Kemal Kaplan et de Naci Düzel au baglama (petit luth turc), d’Özcan Gök au bendir (percussion utilisée pendant les cérémonies soufies) et enfin de Kenan Elmas au kaval (flûte populaire turque). La musique populaire anatolienne ne pouvait trouver plus bel écrin que la voix de sa belle ambassadrice.