Al Aïta ou les volutes du corps érotique
Avec Ouled El Bouaazzaoui
Dans le lexique arabe classique, Al Aïta, signifie l’appel, le cri. Ce genre musical traditionnel est principalement rattaché à des tribus marocaines d’origines ethniques arabes (les Banû -Hilal, Banû Souleim, Les Arabes de Ma’âqil, Riyah, Zagbah, Al Outhbj…), arrivées au Maroc au tout début de l’époque de la dynastie almohade, au XIIe siècle.
En plus de son caractère oral, al-Aïta a fait l’objet, historiquement et culturellement, d’une dépréciation et d’un rejet, en raison de ses connotations érotiques et du regard social porté sur la petite société des cheikhates, les chanteuses et danseuses qui interprètent la Aïta. L’exclusion qui a touché le chant de la Aïta est la même qui a longtemps touché un certain nombre de composantes culturelles orales au Maroc. Pourtant, malgré la dépréciation dont a fait l’objet la culture populaire et orale, elle constitue toujours un véritable trésor de la mémoire collective. La Aïta jouit d’un potentiel intérieur intrinsèque, que ce soit sur le plan du texte poétique érotique oral, de sa texture musicale, sur le plan corporel ou sur celui de son style. Elle touche aujourd’hui un public de plus en plus large.
Ouled El Bouaazzaoui est l’une des troupes musicales classiques les plus illustres dans l’interprétation du registre de la Aïta Marsaouiya, que l’on pourrait considérer comme un prolongement réussi de la Aïta citadine, allant de Casablanca jusqu’à Settat en passant par la région de la Chaouia au centre du Maroc et sur la côte atlantique. Son mode d’interprétation se singularise par les voix masculines efféminées, à l’instar du grand chanteur Bouchaïn Bidaoui (1925-1965) et les deux autres cheikhs pionniers : Mostapha Bidaoui et Abdellah Bidaoui. La troupe est composée de quatre frères. Ils ont grandi dans une famille où la Aïta était quasiment une pratique familiale. La mère, cheikha Bent Maryam et le père, Haj Bouaazzaoui Ben Saleh, étaient de grands maîtres de la Aïta. L'ensemble Oulad El Bouaazzaoui a participé à l'année du Maroc en France avec des concerts dans plusieurs lieux prestigieux, et a largement contribué à la naissance du Festival National de la Aïta organisé à Safi.
D’après le texte de Hassan Najmi, traduit par Maati Kabbal.