Le mot « révolution » convient-il pour décrire et pour penser les récents soulèvements dans un certain nombre de pays arabes ?
Les soulèvements populaires, les chutes de pouvoirs d'Etat qui avaient l'apparence de la solidité dictatoriale la plus confirmée, les procédures électorales multiformes, incertaines, voire annulées, les coups d'Etat inattendus, l'apparition de forces politiques qui expriment un vive division des sociétés, de féroces et obscures guerres civiles : tout cela compose, dans le monde arabe de ces deux dernières années, une séquence historique exceptionnelle, sur la signification de laquelle le monde entier s'interroge. S'agit-il de soulèvements populaires ? De l'émergence d'une petite bourgeoisie revendiquant un statut et une vie personnelle de type occidental ? D'une consolidation opportuniste du vieux courant de l'Islam politique ? De l'invention confuse d'un chemin nouveau, qui ne soit ni le nationalisme d'antan, ni le socialisme importé, ni la « démocratie » du capitalisme occidental ? Dans tous les cas, on se demandera si le mot « révolution », qui implique une rupture franche et durable, est approprié.