Terminé
15 septembre20 décembre 2020

Les collections vivantes de l'IMA | Mémoires partagées

Un choix de photos et vidéos du monde arabe dans la Donation Claude & France Lemand

En cohérence avec les mesures annoncées par le gouvernement pour lutter contre la propagation du Covid-19, l'Institut du monde arabe annule ses activités et événements, et ferme ses portes au public, à compter du vendredi 30 octobre et jusqu'à nouvel ordre.

Nous vous remercions pour votre compréhension et vous tiendrons informés dans les meilleurs délais de la réouverture de l'Institut, et de la reprise de sa programmation.

En 2018, les collectionneurs Claude et France Lemand ont fait don au musée de l'Institut du monde arabe d'une exceptionnelle collection d'art moderne et contemporain. Courant 2019, la donation initiale s'est étoffée de photographies et de vidéos d'artistes, que ce nouvel accrochage propose de découvrir jusqu'au 20 décembre prochain.

Mémoires partagées et Couleurs du monde : deux accrochages exceptionnels des « Collections vivantes » de l'IMA, présentées jusqu'au 20 décembre prochain.

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Pour garantir la sécurité sanitaire de tous et conformément aux dispositions légales, nous vous demandons de ne pas participer à cet événement en cas de symptômes clinique pouvant évoquer une infection par le Covid-19 (température, toux…). 
Nous vous rappelons que le port du masque est obligatoire sur le parvis et au sein de l’IMA pour toute personne âgée de 11 ans et plus.

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Randa Maddah,  photogramme extrait de la vidéo Light Horizon (Horizon léger), 2012. 

© Randa Maddah. Donation Claude & France Lemand

Depuis sa concrétisation il y a deux ans, la donation initiale de Claude et France Lemand au musée de l’IMA s’est étoffée de photographies et de vidéos d’artistes ; une démarche allant de soi pour les donateurs, tant ces deux supports d’expression ont généré d’œuvres au plein sens du terme. Tantôt nostalgiques, tantôt lourdes des drames et des inquiétudes du monde arabe d’aujourd’hui, les voici ici réunies.

La construction des histoires nationales s’avère souvent sélective et n’inculque dans la mémoire collective qu’une part du vécu des générations passées. Il appartient davantage aux artistes – écrivains et poètes, musiciens et interprètes, plasticiens… – de donner en partage des souvenirs tout en émotions, même si leurs œuvres sont intimement liées à des événements étrangers à la mémoire de celles et ceux qui les lisent, les écoutent, les regardent.

La photographie avait contribué à construire, à partir des années 1880, des images souvent fantasmées du Maghreb, du Proche et du Moyen-Orient. Au cours des trois dernières décennies, de nombreux artistes du monde arabe se la sont appropriée – d’autres adoptaient la vidéo – afin de déconstruire ces clichés et bâtir une vision personnelle.

Si certains cultivent la nostalgie, d’autres témoignent des conséquences individuelles des conflits et des crises qui jalonnent l’histoire du monde arabe contemporain. La conscience de perdre ce que la modernisation prétend remplacer, la contrainte d’un exil proche ou lointain, la réparation des oublis de l’histoire officielle et l’incertitude de ce que sera l’avenir face à l’ampleur des destructions, nourrissent le travail des artistes exposés.

PALESTINE SABELLA The Great March of Return 2019. Photomontage diamètre 200 cmSteve Sabella, « La Grande Marche du retour », 2019. Donation Claude & France Lemand

Steve Sabella (Jérusalem, Palestine, 1975-Berlin)

  • The Great March of Return (La Grande Marche du retour), 2019, photographie

  • Vidéo, 10', son : « Gaza Suite », composition originale de Ghazi Barakat

Steve Sabella est un artiste visuel aujourd’hui basé à Berlin. La photographie et l’installation photographique représentent ses modes d’expressions privilégiés. De 1990 à 2007, il présente près de onze expositions personnelles à Jérusalem et dans toute la Palestine. Son travail a été présenté aux Rencontres d’Arles en 2013 dans le cadre de l’exposition Keep Your Eye on the Wall. Ses œuvres font partie des collections permanentes de nombreuses institutions, parmi lesquelles le British Museum de Londres, le Mathaf Arab Museum of Modern Art de Doha, Contemporary Art Platform Kuwait, le musée de l'Institut du monde arabe ou encore le Ars Aevi Museum of Contemporary Art à Sarajevo.

La Grande Marche du Retour est un collage réalisé à partir de plus de mille photographies, prises par cinq journalistes palestiniens de Gaza, des foules rassemblées chaque vendredi depuis mars 2018 pour protester contre l'occupation israélienne. Ces images contrastent avec des photos de l’espace, fusionnant avec l'infini la Bande (de Gaza) hermétiquement scellée, et créant une monumentale « fresque d’aujourd’hui » qui témoigne de la lutte éternelle d’une nation pour sa libération.

© François Sargologo, Au-delà de la mer, 2013, 1984François Sargologo, « Au-delà de la mer, » 2013, 1984. Collection de l'artiste

François Sargologo (Liban, 1955-France)

Au-delà de la mer, photographies, 2013, 1984

La pratique de l’artiste plasticien François Sargologo interroge principalement différents aspects de l'identité, de l'exil, des questions introspectives et sociales en se concentrant presque exclusivement sur sa ville natale de Beyrouth. La combinaison de la photographie, du texte et du matériel d'archives impulsent la base de son processus créatif « dans les possibilités esthétiques » de sa pratique. Son travail fait partie des collections privées et publiques.
En tant que directeur artistique, il a également conçu différentes collections de livres pour des éditeurs tels que Le Seuil, les Presses Universitaires de France (France), la Fondation Bodmer Museum en Suisse…
Lauréat de l’European Print Award of Excellence par Print Magazine for Progress, un livre d'artistes (Grande-Bretagne), il a également été publié dans des magazines de design tels que Étapes Graphiques (France) et Page Magazine (Allemagne). Il était l'un des artistes exposés dans le cadre de la  3e Biennale des photographes du monde arabe contemporain à l’Institut du monde arabe.

« Au-delà de la mer est une lamentation lyrique sur la syntaxe visuelle d'une ville que François Sargologo ne tente pas de recréer, mais dont il essaie simplement de mettre en évidence les qualités essentielles. Ce n'est pas la nostalgie du deuil mais de quelque chose qui circule, vivant et présent. Les photographies prises à Beyrouth dans les années 1980 ont été perdues puis retrouvées et détruites de leur environnement de mémoire, avant d'être reconstituées non pas comme continuité, mais de manière voyeuriste : de simples aperçus accompagnés de textes écrits trente ans plus tard. Les images oscillantes ne nous frappent pas comme un art pop ou une archive. Elles sont une invitation décontractée au bonheur et à ne pas se livrer à la distance de la ruine physique. Elles sont proches et chaleureuses. Pourtant, elles sont très loin. Leur pouvoir réside dans l'impossibilité de devenir réelles maintenant » (Ari Akkermans, No Longer and Not Yet).

Bissane Al Charif et Mohamad Omran, Sans ciel, 2014, film en stop motion, D. R.Bissane Al Charif et Mohamad Omran, « Sans ciel », 2014. Donation Claude & France Lemand

Bissane Al-Charif

  • Sans Ciel (Bila Sama, Missing Sky), 2014, film en stop motion réalisé avec Mohamad Omran, 2’27

  • Love stories in hot countries (Histoires d’amour en pays chauds), 2016, vidéo, 4’30

Née à Paris de parents syro-palestiniens, Bissane Al Charif vit et travaille à Paris.  Sa formation initiale d’architecte en Syrie est un avantage quand elle entame des études de scénographie à Lyon puis à Nantes. En 2005, elle obtient son DPEA scénographe à l’École nationale d’architecture de Nantes (ENSAN).
Dès le début de sa carrière artistique, Bissane Al Charif tente de mettre à profit les différentes compétences acquises lors de ses longues années de formation et son expérience dans différents domaines et pays, n’ayant de cesse de s’adapter aux conditions de la réalité dans laquelle elle évolue.
Elle s’intéresse à la scénographie de l’espace, travaille dans l’événementiel, la scénographie de spectacle, le décor et les costumes de films de cinéma, ainsi que la scénographie d’exposition. Ces multiples explorations lui ont également permis de développer récemment ses propres installations artistiques.
En mars 2016, Bissane Al Charif a été faite chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres pour son installation Mémoire(S) de femmes.

Pour leur film Sans ciel, le couple d’artistes Mohamad Omran (sculpteur et dessinateur) et Bissane Al Charif (architecte, scénographe et plasticienne) ont capté en stop-motion la destruction progressive de grandes maquettes de villes, reflétant ainsi l’anéantissement des villes syriennes qui s’opérait alors jour après jour : Alep, Hama, Homs, Idlib, Kobané, Palmyre, Raqqa… Photo après photo / jour après jour, on voit les villes s’effondrer par médias interposés.
Sans ciel livre un concentré de la dévastation d’une ville syrienne, de toutes les villes syriennes, voire de toutes les villes meurtries, évitant le sensationnalisme de l’instant pour faire ressentir la perte à la fois d’un passé et d’un avenir.

Dans Love stories in hot countries, le portrait de la diva Asmahan, protagoniste des plus grandes comédies musicales égyptiennes des années 30, se transforme, jusqu’à s’effacer dans l’eau à la fin de la vidéo, qui se termine par son chant.
« “Tu es née sur l’eau et dans l’eau tu périras” : une prédiction faite à une adolescente qui est née Amal (Espoir), en Méditerranée orientale, et morte Asmahan dans le Nil. Son histoire est celle de son époque et de sa région, notre région. Et c’est à travers cette histoire que nous essayons de nous réapproprier un corps que nous avons bien connu, celui de notre adolescence, celui qui portait nos amours » (Bissane Al-Charif).

Ridha Zili, « Au souk ». Donation Claude & France Lemand

Ridha Zili (Tunisie, 1943-2011)

La Tunisie de jadis, 30 photographies

« Arpentant souks et campagnes, remontant le temps évanoui des médinas, le photographe fait revivre un passé proche, capture des instants fragiles, sublime l’œuvre des artisans et, surtout, retrouve cet immémorial indicible qui tisse la trame de la vie quotidienne. […] Comme s’ils étaient touchés par la grâce, les gestes et les visages semblent pétris par la lumière, nimbés d’éternité.
A la confluence de l’esthétique et du documentaire, Ridha Zili explore le territoire envoûtant de toutes nos nostalgies. Les virtuoses de l’argile façonnent les formes au gré de leur inspiration, les tisserandes créent leurs œuvres entre sobriété des matériaux et explosion des couleurs, menuisiers et fabricants de tamis perpétuent le fil des traditions. Cet hymne aux artisans retentit sur fond de souks fébriles et de médinas apaisantes. Dans le dédale des ruelles se retrouvent aussi les petits métiers d’autrefois : marchand de lait sur sa bicyclette allant de maison en maison, revendeurs de pain chaud toujours à l’affût, porteurs d’eau et marchands d’épices, éboueurs et quincailliers…
Avec beaucoup de tendresse, Ridha Zili retrouve ce tumulte intime de nos médinas. De Monastir au Cap Bon, de Sfax à Tunis, de Djerba au Sahel, ce sont des dizaines de bribes d’éternité qu’il capture. »
(Hatem Bourial, « Le territoire envoûtant de nos nostalgies », préface de Ridha Zili. Tunisie. Portraits et métiers d’antan, Zili éd., Tunis, 2018).

Halida Boughriet, Mémoire dans l'oubli, 2010-2011. Coll. Claude & France LemandHalida Boughriet, « Mémoire dans l'oubli », 2010-2011. Donation Claude & France Lemand

Halida Boughriet (Lens, 1980-Choisy Le Roi)

Mémoire dans l’oubli, 2010-2011, série de 6 photographies

Artiste franco-algérienne diplômée des Beaux-Arts de Paris et du programme d’échange de la SVA section cinéma à New York jusqu’en 2005, Halida Boughriet explore un large éventail de médias à travers ses oeuvres. Elle accorde une place centrale à la performance, à laquelle les structures de son langage artistique donnent une variété de formes. Au carrefour de préoccupations esthétique, sociale et politique, ses pièces s’efforcent de saisir les tensions dans les relations humaines mises en évidence par la société. Le corps est omniprésent, comme un instrument de geste poétique expérimental.

Ses œuvres figurent dans la collection Nouveaux Médias du Centre Pompidou et dans celles du MAC / VAL (Vitry -sur-Seine), du MAMA d'Alger et du musée de l'Institut du monde arabe. Ses travaux ont été présentés dans de nombreuses expositions dont Elles@centrepompidou (2011, Paris), au FIAC d’Alger (2011, Algérie), à l’Institut du monde arabe dans l’exposition « Corps découvert » (2012), au musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis pour « Chapelle vidéo # 4» (2013). Plus récemment, elle participe à « Vidéo et Après » au Centre Pompidou et à la Biennale internationale de Dak’Art 2014. En 2015, elle a été présentée aux Rencontres internationales Paris/Berlin/Madrid et en 2019 à la Biennale de Rabat.

« La série Mémoire dans l'oubli utilise également le principe du détournement. Le référent esthétique orientaliste de l’odalisque est alors déconstruit pour transformer le corps-objet de l’imaginaire colonial en sujet social actif et revendicatif. Des anciennes moudjahidate sont photographiées assoupies sur le sofa d’un salon contemporain de style oriental. Ces femmes âgées, montrées dans le confinement d’un intérieur domestique, conservent un savoir mémoriel dont la présence est matérialisée par la lumière nimbant les contours de leurs visages. Elles semblent ici dans l’attente d’être animées avant que le temps n’enferme à tout jamais une parole restée dans l’antichambre de l’histoire. Le poids du regard artistique masculin construit en période coloniale a fixé dans une position lascive ces femmes algériennes, assignées tout à la fois à une métonymie d’un territoire à conquérir, au confinement et au silence par la négation sur le long terme de leur accès même à la parole et de leur engagement dans le monde social. Dans ces œuvres, l’esthétique orientaliste et le référent colonial attachés à la figure féminine algérienne semblent nécessaires à exorciser pour entrer dans l’histoire sociale du pays à travers des figures de passeuses de témoin, d’admonitrices, silenciées » (Émilie Goudal, historienne de l’art).

Randa Maddah,   photogramme extrait de la vidéo Light Horizon (Horizon léger), 2012.  © Collection Claude & France LemandRanda Maddah, « Horizon léger », 2012. Donation Claude & France Lemand

Randa Maddah (Golan, Syrie, 1983-Paris)

Light Horizon (Horizon léger), 2012, vidéo, 7’22

Restauration (Tarmîm), 2018, vidéo

Née en 1983 à Majdal Shams, sur le plateau du Golan syrien occupé par Israël en 1973, Randa Maddah est diplômée en 2005 du département des Beaux-Arts de l’Université de Damas. Elle a participé à plusieurs expositions personnelles et collectives : au Centre culturel Fateh Al-Mudarres du Golan, dont elle est l’un des membres fondateurs, à la galerie Mada de Damas et à la galerie M3 de Berlin. Elle vit aujourd’hui à Paris.

Light Horizon est la première vidéo de Randa Maddah, filmée sur les ruines d’une maison dans le village d’Ain Fit, sur le plateau du Golan où elle est née. L’artiste restitue en plan fixe de 7 minutes son retour chez elle. De son ancien foyer, seuls demeurent quelques inscriptions en arabe et des murs criblés de balles. N’importe. Randa Maddah pénètre cet intérieur fantomatique. Elle balaie, nettoie puis contemple l’horizon de la vallée. De ce geste quotidien, a priori dérisoire voire absurde dans ce champ de ruines, naît une force capable de refouler la violence dans la contingence et de reconstruire une intimité. Un endroit où l’on a chaud, où l’on se sent bien – une maison.

« A travers ses œuvres, Randa Maddah tente de réparer le mal provoqué par l’occupation du Golan, de combler la perte de la terre, de l’histoire, de la langue et de la culture arabes, la perte de la mémoire et de la liberté… effacées et remplacées par une autre culture, une autre histoire, celle des programmes scolaires israéliens… un autre et lourd horizon !
Light Horizonest une œuvre poignante. Comme Antigone qui s’acharne à vouloir honorer la dépouille de son frère, cette jeune femme nettoie, met de l’ordre et décore l’une des milliers de maisons abandonnées du Golan. Enfant, elle venait jouer avec ses camarades parmi ces maisons en ruines. Cette cérémonie est le signe de sa fidélité à cette terre spoliée, à cette population exilée, aux souvenirs de son enfance ; de sa détermination à garder vivant le souvenir de la vie sociale, de la langue, de la culture d’avant l’occupation ; de sa foi ou de son espoir qu’ils reviendront et qu’ils seront heureux, comme elle, de s’asseoir sur la terrasse et de contempler le beau paysage du plateau du Golan qui s’étend jusqu’à l’horizon léger qui se dilue dans les nuages » (Claude Lemand).

Nassouh Zaghlouleh, Damas, 2010, 110 x 110 cmNassouh Zaghlouleh, « Damas », 2010, 110 x 110 cm. Donation Claude & France Lemand

Nassouh Zaghlouleh (Damas, Syrie, 1958)

Damas, photographies, 2010-2014

Né à Damas en 1958, Nassouh Zaghlouleh y poursuit des études aux Beaux-Arts, puis s’établit à Paris, où il obtient, en 1987, un diplôme en photographie de l’École nationale supérieure des Arts décoratifs. Il demeure à Paris pendant vingt-trois ans, et y enseigne la photographie à l’Institut supérieur de l’image et du son entre 2003 et 2007.
Il est nommé chef du département de communication visuelle à la Ligue arabe ; de retour dans son pays natal, l’artiste y enseigne également la photographie, la vidéo et le design graphique à l’Université internationale de Syrie. Pendant plus de dix ans, il travaille à la réalisation de documentaires et prend plus de 80 000 photographies lors de ses tournages. Cependant son travail ne sera exposé qu’à partir de 2007, avec sa série « De Paris à Damas ». Depuis, il participe à de nombreuses expositions en Europe et au Moyen-Orient.

 « Capter des moments empreints de nostalgie et faire ressurgir le passé avec émotion, c’est ce que propose Nassouh Zaghlouleh dans une série de clichés en noir et blanc intitulée Damas. Un vol de pigeons, l’embrasure d’un portail, les marches écornées d’un escalier vétuste ou encore des poutres en bois qui laissent filtrer le soleil, autant de petits détails arrachés au quotidien et assemblés sous le regard du photographe en un album de vie. […]
Dans un pays où, comme il le dit, l’appareil photo est une arme plus effrayante que le fusil, heureux pour lui qu’il ait eu le temps de capter cette série de clichés qu’il expose actuellement, témoignant du Damas qu’il affectionne, “celui de mon enfance, de ses odeurs et de ses souvenirs.” Argentique, numérique ? “Peu importe, répond-il. Même si la photo est prise avec un portable, il suffit qu’elle soit réfléchie et sentie. Regarder les points lumineux sur le pavé, alors qu’enfant je sautais à cloche-pied, observer les oiseaux s’envoler et m’arrêter au pied d’un escalier en marchant avec mes vieilles tantes, ce sont des instants bénis qui me reviennent à la mémoire.” […]
Dans ce travail monochrome et intimiste, où seul le contraste entre la lumière et son absence découpe l’espace et le cadre, on croirait entendre le silence. « Auparavant, mes clichés ressemblaient à des cartes postales, mais aujourd’hui, je m’implique plus dans leur réalisation finale et, si j’ai choisi le noir et le blanc, c’est parce que j’y trouve plus de tendresse ». Un long processus de création qui va au-delà de la simple représentation, distillant ainsi des instants flottants, presque intemporels » (Colette Khalaf, « Nassouh Zaghlouleh, Silence à Damas », L’Orient Le Jour, 9 juin 2014).

Dahmane, A Yasmine, Eugène Fromentin, 2016Dahmane, « Yasmine, Eugène Fromentin », 2016. Donation Claude & France Lemand

Dahmane (Paris, 1959)

Sept photomontages orientalistes

« Il y a quelques années encore, explique Dahmane, mes modèles demeuraient inextricablement liés aux endroits dans lesquels je les avais photographiés. Mais, à partir de 2001, tout devient possible, grâce aux avancées technologiques : voici mes amies projetées comme par magie dans les villes les plus populeuses, les plus glaciales ou les plus hostiles à la féminité sans en paraître autrement troublées.
Prendre un fond et y intégrer une femme nue, tout en préservant une certaine vraisemblance propre à la photographie, me plonge parfois dans des abîmes d’émerveillement. Il n’y a plus de fatalité, la réalité devient un matériau malléable ; les décors approximatifs, les figures imposées, les contingences du monde réel n’ont plus cours dans cet espace virtuel, généré par d’innombrables pixels que j’agence selon ma fantaisie.
Ce qui demeure, c’est la femme, élément essentiel de la composition, alors même que sa transposition dans un lieu où elle ne s’est jamais trouvée éloigne une part de son érotisme. Grâce à ces nouveaux outils, mon penchant pour le perfectionnisme ne rencontre plus de frein ; la crainte de me répéter se fait moins obsédante et la couleur, modulable à volonté, s’ajoute enfin à ma palette. » (Dahmane)

 

 

Atelier en famille

Après un jeu de piste dans l’exposition Mémoires partagées, les enfants et leurs parents s’inspirent de ce qu’ils ont observé pour détourner une œuvre d’art.

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