Avec Bonaparte et l'Egypte , l'Institut du monde arabe fait choix de présenter à son public une exposition qui associe deux mythes parmi ceux qui sont les plus profondément gravés dans notre inconscient collectif : celui de Napoléon et celui de l'Egypte pharaonique.
La campagne d'Egypte de 1798, menée par le général Bonaparte entouré de quelque cent soixante savants et de certains des plus brillants officiers de son temps, constitue un épisode célèbre de l'Histoire, même s'il a représenté un échec du point de vue militaire.
Centrée sur l'« Expédition », l'exposition a pour sujet tout un siècle de relations entre l'Egypte et la France, symboliquement encadré par deux dates : les naissances de Napoléon Bonaparte et de Muhammad Ali – le premier souverain « moderniste » de l'Egypte –, en 1769, et l'inauguration du canal de Suez, en 1869.
Naissance de l'égyptologie, style « retour d'Egypte », publication de la Description de l'Egypte , essor de l'orientalisme : l'influence de l'Egypte en France a été prépondérante pendant toute cette période, de même que le rôle de la France a été déterminant dans l'accession de l'Egypte à la modernité.
Pour les besoins de l'exposition, l'Institut du monde arabe a mis en place un comité scientifique paritaire franco-égyptien réunissant les meilleurs spécialistes des deux pays. C'est au travers de ce double regard, donc, que le public pourra découvrir quelque 400 œuvres et objets d'art prêtés par les plus grands musées égyptiens, américains et européens, qui viennent témoigner de cette fascination réciproque.
Cette exposition se propose de jeter un regard neuf sur les rapports entre la France et l’Égypte au XIXe siècle, notamment à la suite de l’expédition de Bonaparte en Égypte entre 1798 et 1801. Ce point de départ historique sera l’occasion d’avoir un regard croisé sur les échanges artistiques.
Les limites chronologiques ont été fixées à la période 1770-1870, avec un glissement jusqu’à la fin du XIXe siècle pour quelques représentations de la campagne d’Égypte par des artistes français.
La confrontation des troupes de Bonaparte avec la civilisation égyptienne, tant antique que moderne, a constitué un véritable choc culturel. Le parcours chronologique confrontera alors tour à tour les visions françaises et égyptiennes sur un moment fort de l’histoire de ces deux pays en pleine mutation culturelle, politique et économique.
Dans la mesure où il existe peu de représentations iconographiques égyptiennes permettant de constituer des pendants aux illustrations françaises, la Description de l’Égypte servira de fil conducteur tout au long de l’exposition, et des textes égyptiens constitueront le pendant, l’autre regard indispensable.
L’Égypte vue de France à la fin du XVIIIe siècle
Il est apparu plus probant de commencer l’exposition par le choc culturel en montrant en préambule la vision que pouvaient avoir les français de l’Égypte. Des cartes et les ouvrages de voyageurs comme Pococke, Lucas, Norden, Savary ou Volney nourrissent l’imaginaire des français tout comme celui de Bonaparte, à travers des informations parfois fantaisistes mais imprégnées de l’idéologie des Lumières. De là va naître une première mode égyptienne en France où des meubles, gravures et tableaux montrent l’Egypte à travers ses mythes et ses vérités parfois déformées.
L’Égypte à l’arrivée des français
L’Egypte, province de l’Empire Ottoman, est ensuite montrée dans sa réalité, telle que les français vont la découvrir. Le pays lui-même est présenté par sa géographie, son architecture et son mobilier afin de recréer cet environnement égyptien bien éloigné de l’imaginaire occidental. Des vues du Caire, de ses maisons et décors ainsi que la présentation d’objets du quotidien datant du XVIIIe siècle permettront d’illustrer ce premier point. A travers ses dirigeants, le sultan Selim III, les Mamelouks, le gouvernement du diwan et sa population, dans sa diversité, c’est une vision politique et sociale de l’Egypte qui apparait ensuite. Enfin, l’économie du pays est évoquée à travers l’artisanat et les savoir-faire locaux, ainsi qu’avec le commerce, vecteur des premiers échanges directs et prolongés entre la France et l’Egypte.
L’expédition d’Égypte
En 1798, Bonaparte débarque à Alexandrie avec à ses côtés des militaires et des scientifiques de toutes les disciplines pour faire de cette conquête de l’Egypte une aventure exploratrice aussi bien que militaire. Après une brève introduction sur les origines de cette campagne, l’exposition présentera les Mamelouks, corps de l’armée égyptienne qui affronte l’armée française. En parallèle, l’armée française sera rapidement évoquée à travers quelques personnages marquants comme les généraux Kléber ou Menou. Des tableaux, gravures et dessins reprendront les faits historiques de la campagne, avec les batailles des Pyramides et d’Aboukir ou la révolte du Caire. Quelques caricatures anglaises et allemandes donneront également une autre vision de l’expédition de Bonaparte.
Enfin, c’est tout le travail scientifique qui sera mis en valeur. Bonaparte a voulu connaitre ce pays et recenser ses richesses à l’aide d’une armée de savants, les meilleurs spécialistes de l’époque (géographes, architectes, botanistes, ingénieurs). Cette frénésie d’études aboutira à la création de l’Institut d’Egypte. C’est aussi l’arrivée de l’imprimerie en Egypte.
Les origines de l’égyptologie
La France aussi bien que l’Egypte prend conscience de la valeur historique, culturelle et artistique du patrimoine pharaonique. C’est l’époque des premiers relevés scientifiques dans les temples et les tombeaux. Dominique Vivant Denon va, dès 1802, publier ces découvertes dans son Voyage dans la Haute et Basse Egypte. Suivra l’oeuvre inégalée, commande impériale, qu’est la Description de l’Egypte. Composée de 974 planches et 47 cartes géographiques, elle se découpe en trois thèmes, dont celui consacré aux « Antiquités » nous intéresse ici. En parallèle, l’exposition présentera des oeuvres d’art pharaonique reproduites dans la Description ou bien ramenée en France par des membres de l’expédition. Enfin, la figure de Champollion, incontournable, qui fera de l’égyptologie une discipline à part entière grâce au déchiffrement des hiéroglyphes.
La fascination pour l’Egypte
Le développement d’une nouvelle mode égyptienne en France à partir du début du XIXe siècle va toucher tous les domaines artistiques. L’exposition recréera un intérieur égyptisant idéal à l’époque de l’Empire avec un mobilier riche et varié. Paris va également se plier à cet engouement avec de nombreux projets de monuments d’inspiration égyptienne, réalisés ou non. L’arrivée de la girafe, puis de l’obélisque de Louxor sur la place de la Concorde, cadeau de Mehemet Ali à la France, constituent deux autres moments forts des relations diplomatiques entre les deux pays.
Dans le même temps, les études d’arabe et l’orientalisme scientifique se développent, avec notamment les publications de Sylvestre de Sacy, les dessins de Prisse d’Avennes et de Pascal Coste, qui commencent à fixer le patrimoine musulman, comme le feront les peintres Marilhat et Dauzats.
L’histoire revue par le regard des artistes au XIXe siècle
Le mythe formé autour de la campagne napoléonienne en Egypte va nourrir les artistes durant tout le XIXe siècle. Des médailles et statuettes à sa gloire vont être réalisées mais surtout la peinture d’histoire qui va réinterpréter ces événements. La figure de Napoléon est alors magnifiée, dans des mises en scènes orientalistes souvent très éloignées de la réalité du pays et des faits historiques. Ceci mènera à l’exotisme, où l’artiste n’exprime plus qu’une vision fantasmée d’un orient lointain, à la fois fascinant et inquiétant.
L’affirmation de l’identité égyptienne après le départ des français
A la suite du départ des Français, l’Egypte voit émerger des figures emblématiques de son histoire comme Mehmet Ali et Ibrahim Pacha. Un grand mouvement d’ouverture et de modernité apparait alors. Ainsi, une mission égyptienne, avec Tahtawi, viendra en France en 1826. Au début des années 1830, l’utopie des Saint-simoniens trouvera en Egypte un lieu d’exercice. Soliman Pacha, Clot Bey, Jomard, Mariette Bey participent à l’amélioration des domaines de l’armée, de la santé, de l’Institut égyptien et du patrimoine pharaonique. Ceci aboutira à la participation de l’Egypte à l’exposition universelle de 1867 à Paris où le pays s’affirme alors comme une grande nation indépendante, qui souhaite se positionner face aux grandes nations occidentales.
Mais c’est également l’inauguration du canal de Suez en 1869.
Enfin, l’exposition pourrait se terminer sur les prolongements artistiques de ce dialogue France - Egypte avec l’influence des objets d’art islamique sur les arts industriels français.
L’Expédition d’Egypte
Bibliographie sélective de la Bibliothèque de l’IMA