Colloque | Apprends l’arabe, ya habibi !
Le point sur l’enseignement de la langue arabe dans la France d’aujourd’hui
L’arabe est la 2e langue la plus parlée en France. Depuis quand enseigne-t-on l'arabe dans l'Héxagone ? Quel y est le profil des arabophones ? Quelle place occupe et devrait occuper cette « langue d’héritage » dans la politique linguistique générale française ? Comment l’enseigner aujourd’hui ? Ce colloque se propose d’apporter subtilités et nuances à un débat public trop souvent dominé par la controverse… Et ce faisant, de suivre le sage conseil entonné par Rachid Taha : « T’allem l-‘arbiyia, ya habibi ! » – Apprends l’arabe, ya habibi!
Pour aborder la situation actuelle de l’enseignement de l’arabe en France, à l’occasion de « 2022. Regards sur l'Algérie à l'IMA » et en hommage au célèbre chanteur franco-algérien Rachid Taha, ce colloque est placé sous le signe de l’affectueuse injonction qu’il lance dans la chanson l’« Arabécédaire » (composée et co-interprétée avec Rudolphe Burger) : « Apprends l’arabe, ya habibi ! »
Le propos de ce colloque : ouvrir un débat serein autour d’une notion davantage utilisée dans les pays anglo-saxons qu’en France, celle de « langue d’héritage ». Que signifie « héritage », outre le fait que toutes les langues humaines constituent un héritage humain, dans une perspective linguistique universaliste ? Nous nous interrogerons sur la spécificité de l’arabe en France, entre « langue d’héritage » et « langue utilitaire », la langue arabe étant la deuxième langue la plus parlée de notre pays. Quelle place doit occuper une « langue d’héritage », dans une politique linguistique générale qui prend en compte une multiplicité de réalités ?
Les intervenants aborderont différents aspects liés à l’enseignement de la langue arabe, ou plutôt des langues arabes, en France et selon différentes perspectives et points de vue, en prenant en compte non seulement les perspectives institutionnelles, mais aussi les contextes familiaux. Seront évoquées les représentations existantes sur ceux qui parlent arabe et les réalités sociolinguistique et sociologique propres aux langues arabes. Nous verrons que la sociologie de l’enseignement de l’arabe dans sa globalité est peu abordée lors des débats avec le grand public.
Enfin, ce colloque proposera un regard historique sur l’évolution de l’enseignement de l’arabe – des arabes – en France, du point de vue des contenus et des manuels mais également dans la perspective de l’anthropologie des pratiques et des actions des politiques publiques.
Le programme
- Tarek Abouelgamal
L’histoire méconnue de l’enseignement de l’arabe en France depuis François Ier jusqu’à l’Algérie française - Alexandrine Barontini
Que nous disent les pratiques langagières et les réalités sociolinguistiques des arabophones de France ? - Martine Chomentowski
L’école face aux langues d’héritage : l’école face à son histoire - Elena Soare
Changer les attitudes envers les langues d’héritage, un défi actuel ? - Chantal Tetreault
Transformer les ELCOs en EILE : comment enseigner une langue sans repères culturels dans un contexte pédagogique « d’héritage »
Interventions modérées par Nisrine AL ZAHRE, directrice du Centre de langue et de civilisation arabes de l’Institut du monde arabe.
Les intervenants
- Tarek Abouelgamal est docteur en didactiques des langues, Université Paris-Sorbonne. Il a consacré sa thèse de doctorat, dirigée par Frédéric Lagrange, à l’histoire de l’enseignement de l’arabe en Europe depuis le XVIe siècle ; il y analyse les ressorts du discours sur la langue arabe et ses conséquences, qu’il appelle « la diglossie didactique ». Il a enseigné dans plusieurs institutions universitaires de France, dont Paris-Sorbonne et Sciences Po, ainsi que, depuis 2016, à l’Institut du monde arabe, où il occupe le poste de coordinateur pédagogique.
- Alexandrine Barontini est maître de conférences à l’Institut des langues et civilisations orientales (INALCO, Paris), Langues et cultures du nord de l’Afrique et diasporas (LaCNAD) ; elle enseigne l’arabe marocain. Ses recherches mêlent sociolinguistique, dialectologie arabe et anthropologie culturelle et s’intéressent, d’une part au processus de transmission, aux pratiques langagières et culturelles et aux représentations des arabophones dans les diasporas, d’autre part à la variation en arabe au Maroc et à l’accommodation entre arabophones (Maroc et diasporas).
- Martine Chomentowski est docteur en sciences de l’éducation, lectrice et collaboratrice scientifique de l’Université de Fribourg en Suisse, département du plurilinguisme et de la didactique des langues étrangères. Institutrice en maternelle et en élémentaire puis enseignante spécialisée (Maitre E) (1979-2013), puis conseillère pédagogique et enfin coordinatrice du CASNAV de Paris et professeur de français langue seconde, elle est formatrice des 1er et 2e degrés pour les académies de Paris et Créteil et pour le canton de Fribourg en Suisse. Elle a notamment publié Les premiers apprentissages quand le français est langue seconde. Maternelle et début du cycle 2 (avec B. Germain et E. Leleu-Galland, éd. CNDP/CRDP, coll. « Cap sur le Français de la scolarisation », Paris, 2014) ; et L'Échec scolaire des enfants de migrants : l'illusion de l'égalité (L’Harmattan, coll. « Savoirs et Formations », Paris, 2009).
- Elena Soare est maître de conférences en linguistique à l’Université de Paris 8, UFR Sciences du langage, et membre du laboratoire Structures Formelles du Langage du CNRS. Ses recherches portent sur divers aspects de la morpho-syntaxe des langues romanes et des langues d’héritage. Elle anime depuis 2014 le projet « Langues et grammaires en Ile-de-France », qui propose de l'information grammaticale sur les langues minoritaires parlées en Ile-de-France et au-delà. Elle est coordinatrice depuis 2019 d'un projet sur les langues d'héritage, qui vient d'obtenir un financement du CNRS pour cinq ans.
- Le Dr Chantal Tetreault est anthropologue linguistique et culturel à l’Université d’État du Michigan. Après avoir consacré ses années d’études aux questions de migration et d’évolution de la société française, elle a fait porter ses recherches sur les modes d’interactions élaborés par les adolescents français d'origine algérienne pour construire et exprimer leurs identités émergentes en tant que musulmans arabes et jeunes Français. Elle a publié en 2015 le fruit de ses recherches dans un ouvrage d’ethnographie culturelle et linguistique, Transcultural Teens: Performing Youth Identities in French Cités (Adolescents transculturels : la construction de l’identité des jeunes dans les quartiers). Ses recherches actuelles, financées par le programme Fulbright, portent sur l’analyse des débats nationaux sur la réforme de l'enseignement de la langue arabe en France.