Les conférencières à l'école

Gabriel Bauret, commissaire général, présente la Deuxième Biennale des photographes du monde arabe contemporain

Publié par Brigitte Nérou | Le 2 octobre 2017
Gabriel Bauret, commissaire général, présente la 2e Biennale des photographes du monde arabe contemporain aux conférencières de l'Institut du monde arabe
Gabriel Bauret, commissaire général, présente la 2e Biennale des photographes du monde arabe contemporain aux conférencières de l'Institut du monde arabe, 11 septembre 2017. IMA

11 septembre 2017, avant-veille de l'ouverture de la Deuxième Biennale des photographes du monde arabe contemporain. Dans le raffut des coups de marteau et des chariots élévateurs, un petit groupe réfugié dans une salle du niveau -1 écoute sagement la présentation du commissaire général de l'exposition, Gabriel Bauret. Ce sont les conférencières de l'Institut du monde arabe, venues en apprendre un peu (et même beaucoup), sur une exposition qu'elles auront elles-mêmes à présenter, dans quelques jours, aux visiteurs. Extraits.

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Regards croisés

« Qu’est-ce que signifie être un photographe arabe aujourd’hui ? » n’est pas une question sur laquelle nous avons voulu mettre l’accent. On peut y réfléchir à travers les sujets traités, mais tel n’est pas l’objectif.  

Parmi les photographes exposés, certains sont originaires du monde arabe, d’autres Occidentaux, et au-delà : vous pourrez ainsi découvrir ici les photographies de Jungjin Lee, une artiste coréenne qui a réalisé un très beau travail sur la frontière entre Israël et Palestine. Il y a dans cette Biennale un mélange voulu de cultures, de sensibilités, d’origines, de gens qui portent chacun leur regard sur le monde arabe d’aujourd’hui, avec leur propre héritage.

Il vous faudra également insister sur le fait que les photographes dits « arabes » ne sont pas seulement localisés dans leurs propres territoires : ils bougent, pour de nombreuses raisons.

« Tout est mouvant »


En somme, tout bouge, tout est mouvant, ce qui peut vous permettre de répondre à des questions sur la localisation des artistes.

Si nous avions un objectif, outre la mixité des artistes, ce serait  la parité des regards d’hommes et de femmes. Du reste, il y a de plus en plus d’artistes femmes dans le monde arabe – leur travail ne se limite d’ailleurs pas à des problématiques limitées au statut de la femme. Une présence cruciale par les sensibilités et les problématiques qu’elles apportent à la réflexion, notamment sur le contexte arabe.

Autre axe du projet : ici même, à l’IMA, nous avons eu le désir d’offrir des cimaises tout particulièrement à des artistes tunisiens ; ils ont été regroupés dans la scénographie. Pas seulement des artistes qui vivent et travaillent à Tunis, mais aussi d’autres, comme Mouna Karray, « émigrée » en France – elle a un atelier à Rueil-Malmaison –, qui continuent de parler et de s’exprimer sur la Tunisie. L’éloignement ne signifie pas le désintérêt. Au contraire, parfois, il attise encore l’envie de s’exprimer.

Et puis il y a aussi dans le monde arabe des pays où on ne peut plus exercer son métier, soit pour des raisons d’actualité, mais aussi parce que la liberté d’expression y est entravée. En somme, tout bouge, tout est mouvant, ce qui peut vous permettre de répondre à des questions sur la localisation des artistes : il y a, pour toutes ces raisons, une grande liberté voulue par l’organisation de ce projet.

Privilégier le regard de l'artiste


Les visiteurs ne vont pas manquer de vous interpeller : « Mais ou sont les images de l’actualité ? » Or, notre projet n’était pas de réunir des photographies de reportage.

Actuellement, aux informations, à la radio ou à la télévision, lorsqu’on évoque le monde arabe, c’est dans la grande majorité des cas pour évoquer les conflits qui le ravagent. Et quand on pense monde arabe et photographie, les images qui nous viennent spontanément à l’esprit sont celles d’Alep, de Mossoul… Dernièrement [9 septembre 2017], c’est l’excellent photojournaliste belge Laurent Van der Stockt qui a reçu le Visa d’or News 2017 pour sa couverture de la bataille de Mossoul depuis octobre 2016.
Les visiteurs ne vont pas manquer de vous interpeller à ce propos : « Mais ou sont les images de l’actualité ? »
Or, notre but n’était pas de réunir des photographies de reportage. D’une part parce que l’actualité est déjà très présente, sous forme de reportages, vidéos, photographies… dans les différents médias. D’autre part parce que notre propos n’est pas de continuer le travail des médias, mais au contraire de privilégier le regard de l’artiste : quelqu’un qui prend le temps de réfléchir, qui prend de la distance, du recul, qui construit un projet, alors que les photographes de reportage sont réalisées dans l’urgence pour couvrir l’actualité. Il est très important de le souligner auprès des visiteurs de l’exposition.
Yémen, Syrie, Irak… : cette région du monde est très agitée, et nous ne l’ignorons pas, bien sûr. Mais notre projet n’était pas d’aller dans cette direction. L’actualité n’est par pour autant absente des préoccupations des artistes. Ainsi du travail sur les Yézidis de Michel Slomka, qui expose à la mairie du 4e arr. Mais il ne s’agit pas là d’un travail d’actualité, mais de résilience, sur la mémoire, les traces d’une population qui fut martyrisée par Saddam Hussein puis par Daech.

A rebours des clichés


L'un des points cruciaux de notre projet, c’est de sortir de l’orientalisme, de tous ces clichés qui encombrent l’esprit, en donnant la possibilité à des artistes de montrer d’autres histoires, d’autres aventures.

Autre notion à souligner auprès des visiteurs – et qui a été mise en avant par le président Jack Lang : le monde arabe est victime d’un certain nombre de stéréotypes culturels, de clichés : que l’on pense images du monde arabe, et ce qui vient à l’esprit est le plus souvent entaché d’une forme d’exotisme ou encore associé à des questions liées à la religion.

Or, l’un des points cruciaux de notre projet, c’est de sortir de l’orientalisme, de tous ces clichés qui encombrent l’esprit, en donnant la possibilité à des artistes de montrer d’autres histoires, d’autres aventures. Ainsi du travail de Scarlett Coten sur la diversité des statuts de la masculinité dans le monde arabe ; un travail d’autant plus intéressant que c’est une femme qui le mène.  Tous les artistes exposés convoquent ainsi des sujets parfois très éloignés d’une certaine image qu’on peut avoir du monde arabe. C’est là un travail important qu’ils réalisent pour décloisonner, aller contre les stéréotypes, les idées reçues et modifier notre approche, notre compréhension du monde.

Une des vocations de la photographie, en effet, c’est d’aider à comprendre, à se rapprocher de certaines réalités avec des images. Mais aussi avec des textes : nombre de travaux, dans cette exposition, prennent tout leur sens quand on lit le texte qui les accompagnent. Tout à coup, un message apparaît et se construit. Sea(e)scape de la Tunisienne Héla Ammar, par exemple, une succession d’horizons marins, qui se révèlent être bien davantage d’un travail purement esthétique à la lecture du texte : il s’agit du regard que porte une personne vivant en Tunisie sur la Méditerranée, et au-delà. Un désir de passer de l’autre côté, d’une terre promise, que beaucoup d’artistes ont cherché à illustrer.

Brigitte Nérou, rédactrice en chef du blog de l'IMA
Brigitte Nérou Avec plus de quinze ans d’expérience dans l’édition, Brigitte a rejoint l’Institut du monde arabe en 2003 comme secrétaire de rédaction du magazine Qantara . Elle prend à présent la... Lire la suite
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