Trois chercheurs et un artiste devaient prendre part au débat sur « L’art de la Aïta. Hommage à Bouchaïb El Bidaoui ». Hélas, ils ne pourront pas être parmi nous en raison de la fermeture des frontières entre le Maroc et la France, pandémie oblige. Cette séquence allait nous mettre dans l'ambiance festive de la Aïta, un art musical banni un temps avant de connaître un véritable renouveau dans l'espace musical du chaâbi, dans la recherche universitaire et également dans le cinéma.
Le film de Ali Essafi qui sera présenté ce soir en présence du réalisateur en offre une belle preuve. Il faut rappeler que ce sont des femmes, considérées naguère comme des prostituées, qui portent avec courage cet art jusqu'au sacrifice. Bouchaïb El Bidaoui, qui fut une icône de la Aïta, était un artiste transgenre aimé par tout le Maroc. Cette soirée lui est dédiée, en quelque sorte.
Bouchaïb El Bidaoui. D.R.
D’aucuns comparent la aïta à la geste hilalienne, un art combinant chant et poésie ; sa naissance remonterait à la dynastie almohade (XIIIe siècle). Les transformations sociales et urbaines qui ont affecté la société marocaine y sont pour beaucoup dans l’essor et la diffusion de la aïta; avec l’apparition des caïds dans des régions rurales et agricoles telles Abda, Chaouia et Doukkala, la Aïta consigna, par la voix des femmes cheikhates, les faits et gestes d’une société partagée entre tradition et modernité.
On en dénombre neuf grands styles: Hasbaoui, Marssaoui Zaeri, Chyadmi, Haouzi, Mellali, Jabli, Khouribgui. Ce patrimoine, un temps méprisé et frappé d’interdit, se trouve aujourd’hui réhabilité par un travail de sauvegarde, d’interprétation et d’archivage que l’on doit à certains chercheurs, musiciens et musicologues avec à leur tête Hassan Najmi, Ouled Bouaazzaoui, Ouled Ben Aguida et bien d’autres.
Maroc/Égypte, documentaire, 2004, 56’
Les Chikhates, chanteuses populaires du Maroc, sont à la fois les femmes les plus aimées et les plus marginalisées, et ce pour une seule et unique raison : leur liberté! Liberté de mœurs et de ton qui leur permettent, et à elles seules, de chanter l’injustice et le sort fait à la femme. Ce que Cheikha Aïcha résume avec des mots simples : « Notre vie est semblable à cette bougie qui brûle et se sacrifie pour que les autres voient ! »
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