« That's all folk », peut-on lire à chaque fin de générique d'un dessin animé de Tex Avery. On ne pourrait énoncer la même formule pour ce qui est du folk (mais aussi rock, pop, chaâbi, kabyle...) de Souad Massi. Comme les héros du flamenco, elle chante parfois avec du sang dans la bouche, pour mieux exprimer, d'une voix bouleversante et avec une rage à peine contenue, une réalité algérienne douloureuse. Si, des fois, dans son tout premier album Raoui (Le conteur, Mercury/Universal), elle tempère par une note d'espoir (le morceau Amessa, le jour viendra), elle ne peut s'empêcher de clamer, haut et fort,, sur le titre Bladi, mon pays, ce pays qu'elle a quitté en janvier 1999 : « Arrêtez de faire la guerre /Vous faites la guerre à des enfants ». On avait découvert le potentiel artistique de Souad lors d'un premier passage, à Paris, au Cabaret Sauvage, à l'occasion de cinq nuits du ramadan dédiées aux femmes algériennes. Ensuite, l'ancienne chanteuse du groupe de rock algérois Atakor (du nom d'un pic qui surplombe le Hoggar) a fait les premières parties de l'Orchestre National de Barbès, de Thierry Robin et de Idir.
Victime de censure et d'intimidations en Algérie, elle avait toujours opposé une résistance farouche. En fait, Souad Massi est de celle qui a renoué avec une tradition « protestsong » algérienne inaugurée, dans les années 1970, par Idir et Ferhat. Née à Alger, elle a grandi dans un contexte politique, économique et socioculturel des plus hostiles, dominé par la violence, l'angoisse au quotidien et la peur d'un « non futur ». De nature agréable, jeune et jolie, elle arbore souvent un large sourire, histoire peut-être de dissimuler une timidité qui la gêne. Débarrassée d'une casquette, profondément vissée sur la tête, on voit mieux son visage où, lors d'un tour de chant, on y remarqua les traces de larmes qu'elle n'avait pu contrôler. Car Souad ne triche jamais, ni avec ses sentiments, ni avec ceux des autres. Sa voix est étrangement douce pour une chanteuse au coeur gonflé par la colère. Du reste, à ses débuts avec Atakor, elle avait choisi de s'exprimer par le canal d'un hardrock spécifiquement algérien, où la virulence du propos rejoignait celle de la mélodie.
Peu intéressée par une carrière française, et, pourquoi pas, internationale, Massi a du s'y résoudre depuis la signature d'un contrat avec la major Universal. Celle-ci a sans doute été troublée, émue, par les cordes vocales de la talentueuse algérienne. Tant mieux pour Souad si elle a tiré bénéfice de l'efficacité de sa maison de disques. Cela lui a permis de figurer sur les affiches de nombreux festivals et de passer en solo à la Cigale d'abord, puis dans le mythique Olympia. Et son dernier album, Deb, à tonalité chaâbie et flamenca, est là pour confirmer tout le bien que l'on pensait d'elle initialement.
R.M
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