Sébastien Delot est le commissaire de l’exposition que consacre l’IMA à l’artiste libanaise Etel Adnan. Le parcours, sans négliger la plasticienne, met à l’honneur Etel Adnan romancière et poétesse, et sert la force et la singularité de son œuvre.
L’œuvre d’Etel Adnan a récemment fait l’objet d’expositions à la Serpentine de Londres, en Autriche, en Allemagne. On retrouvera bien sûr certaines des œuvres déjà exposées. Mais il était important de montrer à Paris, où elle habite, des choses qui ne l’avaient pas été ailleurs, et de proposer un projet qui fasse sens avec l’Institut du monde arabe. Car Etel entretient avec l’Institut une relation particulière depuis les années 1980, date à laquelle trois de ses leporellos sont entrés dans les collections de l’IMA ; et c’est à l’IMA qu’elle a été décorée de la Légion d’honneur.
Il m’est apparu indispensable d’accorder une place importante à la dimension littéraire de son travail qui, par exemple, n’avait été que peu évoquée à Londres.
Aussi, la première œuvre par laquelle le visiteur va pénétrer dans le monde d’Etel Adnan sera le tapuscrit de L’Apocalypse arabe, avec ses signes de ponctuations, ses dessins qui sont comme des itérations : un tapuscrit qui évoque une partition de musique, avec une dimension d’art minimale.
Pour lui donner du corps, Etel a accepté de se prêter au jeu de la lecture. Le début de l’exposition sera donc le lieu d’une rencontre dématérialisée : celle du visiteur avec l’artiste, par le truchement de la voix. La voix d’une poétesse qui vit son texte avec une saveur, un accent bien à elle : l’accent de son histoire. Ce n’est d’ailleurs pas une, mais trois voix que le visiteur pourra entendre : celle d’Etel Adnan pour la version française, ainsi que le texte en anglais et en arabe – L’Apocalypse arabe a été presque immédiatement traduit en anglais et en arabe après sa parution.
Or, la question de la traduction est aussi celle du dialogue des cultures, des rencontres possibles et impossibles. C’est dire que cette entrée en matière nous est apparue pertinente dans un lieu tel que l’Institut du monde arabe.
Au fil de l’exposition, le visiteur découvrira bien sûr la peinture d’Etel Adnan, notamment ses tableaux. Autant de bijoux précieux, de « talismans » comme il a été souvent dit. Nul besoin d’en exposer un grand nombre : ce sont des pièces raffinées, qui nous font vivre une expérience de l’intime. Il n’était donc pas indispensable de disposer d’un immense espace d’exposition.
Cette dimension intime, ses plus fins connaisseurs la percevront d’autant plus qu’Etel a généreusement accepté de prêter des œuvres qui n’avaient jamais été montrées : la grande peinture de sa salle à manger, l’une des peintures de sa chambre à coucher…
Au final ? Une exposition que j’ai souhaitée à la fois visuellement forte et intime, conçue pour solliciter la curiosité, à la découverte d’une grande voix de la modernité, au carrefour des civilisations occidentale et arabe.
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