Le salon de Montrouge a ouvert ses portes lundi dernier et nous avons eu le plaisir de découvrir le dernier film de Randa Maroufi, une artiste qui avait présenté trois photographies et une vidéo de la série Reconstitutions durant l’exposition événement Le Maroc Contemporain à l’Institut du monde arabe (2014). Diplômée en graphic design de l’Institut National des Beaux-Arts de Tétouan, c’est à l’École Supérieure des Beaux-Arts d’Angers qu’elle a pris goût à la vidéo et la performance… La consécration de ses efforts : admise au studio Le Fresnoy après son premier film « Abi Laâziz » ; sélectionnée au 60e salon de Montrouge (2015) dont le commissariat est assuré par Stéphane Corréard. Merci Stéphane pour ce beau rendez-vous, merci Randa pour ce face à face avec La Grande Safae. Rencontre...
Née en 1987 à Casablanca (Maroc)
Artiste travaillant entre le Maroc et la France
Je me suis intéressée dans un premier temps à la représentation des tensions hommes/femmes - femmes/hommes telle qu’elles existent dans nos sociétés actuelles. J’ai tenté de traiter cette question en essayant de ne pas avoir recours au genre documentaire ou du reportage mais en fabriquant des images qui réhabilitent la complexité des rapports humains en tension. Le film La Grande Safae s’inspire librement d’un personnage qui a réellement existé et disparu. Safae, plus connu sous le nom de La Grande Safae, un travesti, a passé une période de sa vie en tant qu’employée de maison dans ma famille ; ces derniers ignoraient son identité sexuelle « réelle ».
N’ayant pas connu cette personne, j’ai ouvert une enquête auprès de mes proches, qui m’a permis de mieux la connaître/méconnaitre ; différentes versions contradictoires m’ont alors été racontées. Et c’est à partir de ces témoignages que le film a été construit. Par ce film, je souhaitais comprendre ce qui détermine une personne, et comment à partir de notre comportement avec les autres nous devenons des êtres complexes entre ce que nous sommes et qui nous souhaiterions être. Ce qui m’a aussi intéressé dans cette histoire, c’est le rapport du personnage de Safae à l’espace, ce dernier interroge en premier lieu les conditions de ses transformations.
Le personnage de Safae est omniprésent et invisible, comme les gens réellement au service des autres dont toutes les compétences aident à servir et se faire oublier, à devenir transparents. C’est un domestique et un transgenre. A aucun moment dans le film on ne rentre en contact avec Safae, on l’observe de loin, des plans larges évoquent symboliquement son intériorité. Elle est presque toujours mise en marge dans l’image. Quand ma voix chuchote, c’est soit pour diriger ou corriger les témoins soit pour poser des questions. Le seul moment où je rentre « en contact » avec Safae, c’est le moment où je chuchote « tu sors du champ », ça se passe pendant un plan frontal ; nous sommes (la société et Safae) dans un face à face, elle nous regarde et bouge dans l’espace. Je ne voulais pas qu’elle renonce à assumer son transgenre en disparaissant du cadre, c’était la raison pour laquelle je l’informe.
Je travaille en ce moment sur la post-production d’un court-métrage que je viens de tourner à Casablanca. Il s’agit d’un film qui confronte un espace de jeux public laissé à l’abandon à un ensemble d’images à caractère violent partagé sur les réseaux sociaux tout en interrogeant la question du point de vue par la circulation libre d’une caméra dans une image fixe. Et je suis en pleine écriture d’un projet filmique que je souhaiterais développer avec un scénariste ; ça sera ma première collaboration de ce genre, j’ai besoin d’expérimenter une forme très classique dans ce projet.
À première vue, quelqu’un de discret qui dégage une force et une assurance mais en vérité quelqu’un de très sensible, doux, délicat et qui se nourrit beaucoup du doute.
Pour voir « La Grande Safae » de Randa Maroufi, rendez-vous au salon de Montrouge qui se tiendra jusqu’au 3 juin 2015 ; entrée libre et gratuite tous les jours de 12 à 19h.
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