Alors que l'Etat d'Israël s'apprête à vivre en 2019 des élections d'une importance capitale, Jean-Pierre Filiu fait paraître chez La Découverte « Main basse sur Israël. Netanyahou et la fin du rêve sioniste ». Populisme agressif, régression démocratique… : ce processus orchestré par l’indétrônable Benjamin Netanyahou est-il irréversible ? Un autre Israël est-il possible ?
2018 : Israël célèbre avec faste son soixante-dixième anniversaire, sur fond de reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem comme sa capitale. Les pères fondateurs du sionisme auraient pourtant bien de la peine à se retrouver dans l’actualité israélienne, marquée par des scandales à répétition et des polémiques d’une brutalité inouïe. Le grand artisan d’un tel détournement est Benjamin Netanyahou, en passe de battre le record de longévité de David Ben Gourion à la tête du gouvernement de l’État hébreu. Comment celui que ses partisans surnomment Bibi a-t-il pu perpétrer une telle trahison ? Jusqu’où peut-il encore aller dans la voie du populisme agressif ? Un tel processus de régression démocratique est-il irréversible ?
Avec :
Débat animé par Denis Sieffert, directeur de l’hebdomadaire Politis.
Professeur en histoire du Moyen-Orient contemporain
Auteur de « Main basse sur Israël » (La Découverte, 2019)
Je tiens d’abord à remercier l’Institut du Monde arabe pour m’avoir invité, mais surtout pour avoir organisé ce soir un débat sur le devenir d’Israël, ce qui est une preuve supplémentaire de l’esprit de dialogue qui prévaut dans cette institution. Je présente à cette occasion un livre qui est le fruit d’un long processus de recherche, d’analyse et de réflexion. J’ai eu d’autant plus de plaisir à écrire ce livre que l’histoire d’Israël est extraordinaire et l’histoire du sionisme fascinante. Et je voudrais dédier mon intervention de ce soir à Amos Oz, l’immense écrivain israélien, récemment disparu. Le président de l’Etat d’Israël, Reuven Rivlin, a qualifié Amos Oz de « géant de la littérature ». Le Premier ministre Benyamin Netanyahou a accompagné son hommage à Oz d’un rappel de leurs profonds différends politiques. C’est plus fort que lui : « Bibi », ainsi que le désignent avec chaleur ses partisans, a toujours besoin de parler de lui-même, y compris lors de la disparition d’Amos Oz. Rassurons-le, on parlera beaucoup de lui ce soir, mais moins pour personnaliser ce débat que pour utiliser l’impressionnant parcours de Netanyahou comme fil rouge d’une interrogation plus large sur l’Etat d’Israël.
Amos Oz, né en 1939 à Jérusalem, raconte son enfance dans une famille acquise au sionisme dit révisionniste, dont l’idéologue en chef, Zeev Jabotinsky, est jusqu’à sa mort en 1940 demeuré le rival acharné de David Ben Gourion, le chef du sionisme travailliste, très majoritaire dans la communauté juive de Palestine. Oz se décrit, enfant, jouant avec les soldats britanniques du mandat finissant, acceptant même leurs cadeaux, avant de les insulter au nom de « Gestapo. C’était le côté idéologique, car alors, comme aujourd’hui, on comparait tout ce qui n’était pas bien aux nazis. Il y avait déjà une forte inflation de nazis à cette époque-là. Je m’imagine qu’ils étaient terriblement froissés. Il y en avait parmi eux qui s’étaient battus contre les nazis, avaient perdu leurs camarades au combat ». Amos Oz n’a aucune indulgence d’adulte envers ses égarements d’enfant, il les rapporte avec sincérité et humilité. Est-il besoin de rappeler qu’il fut jusqu’à sa mort une des figures les plus respectées du camp de la paix israélien, plaidant avec constance en faveur de l’établissement d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël ?
Retrouvez la suite de l'intervention de Jean-Pierre Filiu : INTERVENTION AU « JEUDI DE L’IMA » DU 3 JANVIER 2019 - .pdf (51.58 KB)
Pour recevoir toute l'actualité de l'Institut du monde arabe sur les sujets qui vous intéressent
Je m'inscris